Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1° la remise directe de Vérone; 2° la renonciation de l’Autriche à tout dédommagement pour l’abandon de la Vénétie; 3° la cession du pays de Trente.

M. de Bismarck, tant que les conditions de la paix n’étaient pas assurées, n’avait rien négligé pour encourager l’Italie dans ses prétentions et dans la résistance qu’elle opposait à la France. Il en convint avec M. Benedetti, tandis que M. de Goltz s’indignait à Paris contre de « perfides insinuations. » Mais, une fois d’accord avec l’Autriche, il reconnut subitement que l’attitude de son allié était pour le moins étrange et ses exigences injustifiables. Il lui reprochait d’élever des prétentions nouvelles et inattendues; il déclarait que l’acquisition de la Vénétie remplissait amplement les conditions de l’alliance, et il se refusait à admettre que la Prusse fût obligée de continuer la guerre pour procurer aux Italiens des avantages excédant leurs engagemens respectifs. « Vos réclamations, ajoutait-il ironiquement, seraient à peine admissibles si votre armée s’était emparée du quadrilatère et avait conquis ce que vous revendiquez. » Il n’aurait dépendu alors que de la France de faire regretter à l’Italie les amers ennuis qu’elle lui causait; mais l’empereur, au contraire, bien qu’atteint dans son amour-propre et dans ses intérêts, mettait les soins les plus délicats à calmer les colères. Il intervenait à Vienne et obtenait des concessions que l’Autriche, en paix avec la Prusse et autorisée à se prévaloir du mécontentement exprimé par M. de Bismarck, n’avait plus aucun motif de faire. La cession de la Vénétie restait en suspens; la mission du général Lebœuf, chargé de remettre les forteresses, essuyait de perpétuels retards, et pendant ce temps, la France, irritée de tant de ménagemens et de mansuétude, récriminait avec violence contre son gouvernement.

La diplomatie russe n’avait pas abandonné l’idée du congrès. Ses inquiétudes ne faisaient que s’accroître en se voyant systématiquement exclue des pourparlers mystérieux qui se poursuivaient à Paris et au quartier général. Elle cherchait à éveiller nos défiances, elle nous dénonçait M. de Bismarck, nous mettait en garde contre les équivoques de sa politique et prétendait qu’en nous amusant avec le Palatinat, il n’avait qu’un but, celui de mettre un coin entre la France et la Russie. Les négociations de Nikolsbourg touchaient à leur terme lorsque le ministre de Russie à Berlin, M. d’Oubril, vint déclarer à M. de Werther, le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, que son gouvernement tiendrait pour non avenues les modifications politiques et territoriales que la Prusse entendait faire subir à l’Allemagne, si elles n’étaient pas soumises à la libre discussion d’une conférence internationale dont le cabinet de Berlin avait reconnu l’autorité avant la guerre.