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et auquel, bien des symptômes l’indiquaient déjà, elle espérait se soustraire. A la rigueur, on pouvait aussi, bien que l’on eût déjà atteint le 22 juillet, reprendre en sous-œuvre le programme du 5, et mettre le maréchal Randon en demeure de faire un effort suprême pour réunir nos dernières ressources et les porter sur le Rhin. La situation était déjà bien mauvaise, mais elle n’était pas désespérée, tant que les armées méridionales n’étaient pas défaites, ni la paix signée avec l’Autriche. D’ailleurs si la Prusse était sincère, comme elle le prétendait, une démonstration armée ne pouvait qu’aider son gouvernement à faire entendre raison à l’opinion publique et à la réconcilier avec les sacrifices qui nous seraient faits en Allemagne. On pouvait enfin s’associer à la Russie et réclamer un congrès pour y défendre les intérêts de la France au nom de l’équilibre européen méconnu. On préféra s’engager dans de périlleuses négociations, bien qu’on eût constaté notre impuissance militaire. On s’y décida sans avoir en main un titre régulier qui pût justifier nos revendications, en invoquant de simples assurances verbales et les déclarations qu’il nous avait plu de fake à la veille de la guerre. On s’en remettait donc en réalité à la sincérité et au bon vouloir de la Prusse, tout en conservant en apparence une attitude comminatoire.

Je ne sais s’il se produira plus tard des justifications autorisées qui nous permettront de saisir la pensée qui a présidé à cette seconde campagne diplomatique, alors que la première aurait dû suffire pour nous imposer la plus extrême circonspection. J’ai posé les questions. L’histoire mieux éclairée les résoudra dans son impartialité.

C’est le 23 juillet qu’on arrêtait le nouveau programme. Il maintenait et même élargissait nos prétentions. Il ne différait de celui du 5 juillet, en dehors de la médiation armée, que par les circonstances dans lesquelles il se produisait et qui s’étaient, dans l’espace de quinze jours, si visiblement modifiées. Les préoccupations qui assiégeaient l’empereur avaient réagi sur sa santé. Le mal dont il souffrait s’était sérieusement aggravé. Le séjour de Vichy devenait nécessaire. Il dut quitter Paris au moment où la crise diplomatique allait entrer dans sa phase aiguë. M. Drouyn de Lhuys du reste avait repris la haute main. Déjà M. de Goltz s’en était ressenti, lorsque dans sa lettre du 26 juillet à l’empereur il jugeait nécessaire de protester de sa bonne foi et de la sincérité de son gouvernement. Ceux qui avaient fait campagne avec lui commençaient à s’inquiéter de ses allures; son langage devenait vague, incertain, dilatoire et fuyant; ils appréhendaient le débiteur peu scrupuleux, soulevant des questions de procédure, et cherchant à éluder ses engagemens. Son collègue, le chevalier Nigra lui-même, se tenait sur la réserve ;