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se fondant sur ces estimations, on voit que l’établissement d’un chemin de fer entre le Bosphore et le golfe Persique exigerait une dépense qui pourrait varier depuis 200 jusqu’à 400 millions de francs, suivant la largeur de la voie et la nature des travaux d’art à exécuter.

Pour le moment, la Turquie d’Asie ne possède encore que deux ou trois tronçons de lignes dont la longueur ne dépasse pas quelques centaines de kilomètres, et l’on voit qu’avec de pareils élémens tout est à faire. Mais il ne faut pas perdre de vue que, le réseau de l’Asie-Mineure une fois construit, on rencontrera les 10,000 kilomètres de rails de l’Inde anglaise[1], qui se trouveront ainsi tout à coup annexés aux réseaux de l’Europe. Ce sera, en même temps, une population de 240 millions d’âmes qui se trouvera mise en rapport direct avec l’Europe et effleurée par le tourbillon de la vie moderne. Le commerce de l’Inde a dès à présent une importance considérable : dans ces derniers temps les importations atteignaient en moyenne 43 millions sterling (plus d’un milliard de francs), et les exportations 60 millions sterling (1,500 millions de francs) par an, ce qui représente un mouvement total de 2 milliards 1/2 de francs, dont les sept dixièmes doivent être portés au compte de l’Europe. On peut juger par ces chiffres de ce que pourrait être le trafic avec l’Inde, si la ligne projetée venait compléter les moyens de communication des possessions anglaises avec les pays civilisés.

M. Andrew, dans l’intéressant ouvrage qu’il vient de publier sous ce titre : l’Inde et les pays voisins, nous retrace à grands traits l’histoire du développement primitif de l’empire indien sous la domination britannique ; il s’efforce de mettre en lumière les ressources pour ainsi dire inépuisables que cette région privilégiée du globe offre au génie scientifique et commercial de la race anglo-saxonne, qui désormais en « charge, « À cette heure, où de graves événemens en Europe sont attendus avec anxiété par nos lointains co-sujets de l’Inde et par les tribus qui demeurent parmi nous, où le chef des croyans se débat dans les terribles serres du tsar, où l’Angleterre, qui cette fois n’a pas négligé d’être prête, met lentement, mais résolument, ses légions en branle, où leurs frères à peau brune volent aux armes à l’appel de leur souveraine, — à cette heure, dit M. Andrew, un tableau fidèle du passé et du présent de l’Inde ne paraîtra pas inopportun. »

Ce que M. Andrew s’attache à faire ressortir, c’est d’abord ce fait indiscutable, que l’Angleterre n’est pas seulement une « grande puissance

  1. D’après M. Andrew (India and lier neighbours), la longueur totale des voies ferrées livrées à la circulation était, en 1877, de 8,142 milles (13,000 kilomètres). D’après le Manuel de la section des Indes britanniques, publié à l’occasion de l’exposition universelle, la longueur des chemins de fer en exploitation dans l’Inde anglaise aurait été, au 1er  janvier 1877, de 6, 500 milles (10,400 kilomètres). Nous ne savons à quoi tient le désaccord de ces chiffres.