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gulier ; elle semble un peu prématurée, et si on n’avait choisi une date si prochaine que pour permettre aux députés et aux sénateurs d’assister aux opérations municipales avant de revenir à Versailles, la raison ne serait pas absolument décisive. L’avantage de la présence des sénateurs et des députés dans leurs départemens ne compense pas l’inconvénient d’un délai trop prolongé entre les deux actes du drame électoral. D’un autre côté il y a un point de légalité constitutionnelle qui reste assez obscur. La constitution de 1875, appliquée pour la première fois en 1876, décrète le principe du renouvellement partiel du sénat tous les trois ans, c’est parfaitement clair. Les séries désignées dès l’origine par le sort doivent être renouvelées « à l’expiration de chaque période triennale, » c’est encore clair. A quel moment précis finit la période triennale et expirent les pouvoirs de la série soumise au renouvellement électif, c’est ici que commence l’obscurité. Les juristes de la droite, qui se sont prononcés pour le 8 mars parce que c’est le jour où la session de 1876 a été ouverte et où le sénat nouveau est entré en fonction, ces juristes ont adopté une date visiblement arbitraire qui, à leurs ypux, avait l’avantage de prolonger un peu l’existence d’une majorité qui leur est chère. La date du 5 janvier choisie par le gouvernement n’est point, il est vrai, moins arbitraire. Par le fait, il n’y a qu’une chose certaine, positive, c’est la date de la naissance légale du sénat, dont une fraction va être pour la première fois soumise à la réélection. Le sénat a été élu, il est né réellement le 30 janvier 1876 ; les pouvoirs de la série sénatoriale renouvelable aujourd’hui n’expirent ni le 5 janvier, ni le 8 mars, ils expirent le 30 janvier 1879. Tout le reste peut passer pour arbitraire.

Il faut se rendre compte des choses. Quelle va être la situation à partir du 5 janvier ? Nous ne le voyons pas bien. Si les nouveaux élus entrent au sénat dès l’ouverture de la session, on aura donc enlevé par un simple décret près d’un mois d’existence légale aux anciens sénateurs ! Si les élus du 5 janvier sont obligés d’attendre le 30 pour prendre possession de leur mandat, il y aura donc pendant quelques semaines deux classes de sénateurs, les uns n’ayant entre les mains que des pouvoirs énervés, les autres impatiens de pénétrer dans l’enceinte ! Supposez dans l’intervalle un accident, à qui appartiendrait l’autorité légale ? Mieux eût valu peut-être éviter ces anomalies en restant le plus possible dans la vérité constitutionnelle, en rapprochant autant qu’on l’aurait pu la date des élections du jour où expirent réellement les pouvoirs des sénateurs désignés pour sortir et probablement destinés en partie à ne pas revenir. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que le gouvernement, mis en présence d’une échéance inévitable, assailli de contradictions, a voulu en finir, et, profitant de la circonstance, il a pris sur lui d’adopter une combinaison qui dans sa pensée ferait coïncider désormais les