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On grossit démesurément l’importance de cette opposition parlementaire en appelant notre attention sur elle comme sur une nouveauté dans l’histoire de la monarchie française. Si je voulais montrer que les parlemens du XVIIIe siècle ne font après tout que reprendre et tâcher une fois de plus de consacrer dans les faits des prétentions qui leur étaient aussi chères qu’elles étaient peu conformes à l’humilité de leur origine et au but de leur institution, rien ne serait plus facile, et je n’aurais qu’à citer cette admirable et large introduction des Mémoires de Retz a son récit des troubles de la fronde. Aussi bien il suffisait au parlement d’ouvrir ses vieux registres.; il y retrouvait tout au long les formules factieuses de ses revendications d’un droit qu’il n’avait jamais possédé. Il lui suffisait de relire les pamphlets d’autrefois, et dans les Mazarinades il retrouvait sinon la lettre, au moins l’esprit de la stupide parole « que l’insurrection est le plus saint des devoirs. » Cependant on ne s’avisera pas d’aller rechercher les origines de la révolution française dans l’histoire de la fronde ! Et si l’on veut s’en tenir aux œuvres de l’esprit critique et philosophique, que deviennent donc les noms et les œuvres des Fénelon, des Boulainvilliers, des Dubos? Je ne parle pas de l’abbé de Saint-Pierre, mais Fénelon, dès l’année 1695, n’avait-il pas provoqué cette grande enquête sur l’Etat de la France, qui fut la matière des travaux de Boulainvilliers? Si l’histoire de l’Ancien gouvernement de la France ne parut qu’en 1727, n’en circulait-il pas des copies du vivant même de l’auteur? Et le grand succès de l’Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules ne date-t-il pas de 1734? Toutes les discussions soulevées autour de ces deux livres n’avaient-elles pas familiarisé les esprits avec ces questions du droit des rois, du droit de la noblesse, du droit des peuples? toutes choses qui, selon le mot du cardinal de Retz, « ne s’accordent jamais si bien que dans le silence? » ou bien encore, cette idée des états généraux : « la nation représentée, » suggérée par la difficulté des circonstances, dès les dernières années du règne de Louis XIV, à tous les esprits inquiets de l’avenir; croit-ou que ceux-là mêmes qui la proposaient comme un unique remède n’en vissent pas bien les conséquences possibles? « Il n’est pas aisé de se flatter que les états généraux s’en tiennent aux simples remontrances, aux demandes, à ne délibérer que sur les matières qui leur seront proposées par votre altesse royale. Le nom d’états généraux est d’autant plus grand qu’il n’a paru qu’en éloignement depuis un grand nombre d’années, qu’il s’est accru dans l’esprit du public par l’idée mal approfondie que ces assemblées ne sont tenues que dans les cas les plus importans, qu’elles ont toujours été redoutées des rois, d’où on infère que rien de grand ne