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qu’une proportion de 3 1/2 pour 100, dans ceux du nord elles entrent dans l’étendue totale pour plus de 60 pour 100. Surabondance excessive d’un côté, disette de l’autre, tel est donc l’état forestier de la Russie, sans que le commerce puisse rétablir l’équilibre en raison des distances énormes à traverser et de l’absence de voies de communication. Les forêts domaniales, plus ou moins grevées des droits d’usage ou affectées aux usines et mines de l’état, comprennent 126,859,723 hectares, celles de la couronne 5,995,028 hectares, et celles des particuliers, des communes ou des établissemens publics 60,689,354 hectares dont la jouissance n’est limitée par aucune loi.

Les essences qui peuplent les forêts de la Russie sont peu variées ; les plus importantes sont le pin sylvestre, qui fournit la majeure partie du bois de construction dont il se fait, sous le nom de pin de Riga, un commerce important avec l’Angleterre, la France et l’Allemagne ; l’épicéa ou sapin rouge qui alimente principalement la consommation intérieure, le sapin pectine, qu’on rencontre dans l’ouest au voisinage des Carpathes, le mélèze, abondant dans les forêts du nord-est ; le tremble, dont la fibre ligneuse sert à la fabrication de la pâte à papier ; le bouleau, qui se montre dans toute l’étendue de la Russie jusqu’au 45e degré, tantôt seul, tantôt mélangé aux arbres résineux et dont l’écorce distillée fournit l’huile empyreumatique appelée diogott. Cette écorce, qui sert aussi au tannage des cuirs de Russie, est en outre employée à la fabrication de boîtes, de corbeilles et d’autres menus objets. Le chêne pédoncule constitue également, soit seul, soit à l’état de mélange, de vastes forêts ; il y atteint de très fortes dimensions et est par la Baltique l’objet d’un commerce assez étendu avec l’Angleterre et avec la France par la Mer-Noire. Une des essences les plus précieuses de la Russie est le tilleul, qui est très répandu dans les gouvernemens de Viatka, de Kostroma, de Nijni-Novgorod et de Kasan. L’écorce sert à la fabrication des nattes, des cordes, des corbeilles et même des chaussures. On l’emploie concurremment avec celle de bouleau pour garnir l’intérieur des traîneaux et des chariots de paysans et pour couvrir les maisons. La préparation et la mise en œuvre de la tille font l’objet d’une industrie qui, pendant les mois de mai et de juin, au moment de l’ascension de la sève, absorbe des populations entières.

La consommation du bois, tant pour le chauffage que pour les constructions, est prodigieuse en Russie ; on en estime la valeur à plus d’un milliard de francs ; quant à celle du bois exporté, elle est de 65 millions. Jusque dans ces derniers temps, les forêts de l’état étaient exploitées par la méthode du jardinage, qui consiste à abattre çà et là les arbres arrivés à maturité. Depuis 1841, on a commencé