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de suivre une carrière exigeant des études spéciales sans être sûrs de la conserver, il n’hésite pas à demander pour eux des garanties qui font défaut en Amérique à tous les autres fonctionnaires. Si le congrès accepte ces propositions, il aura bien mérité du pays, car il pourra transmettre aux générations futures les massifs forestiers qui ont été la principale cause de prospérité des générations passées.

L’Amérique centrale, dont les différens états avaient également envoyé des collections de bois à l’exposition, est très accidentée; les montagnes voisines de la côte précipitent les vapeurs des deux Océans et donnent à cette contrée une grande puissance de végétation. Aussi les forêts y sont-elles considérables et même en partie inexplorées. Dans les parties basses les essences qui les peuplent sont celles des régions tropicales, mais sur les montagnes apparaissent celles de la flore tempérée, c’est-à-dire les chênes, les frênes et les résineux.

La Guyane, dont nous parlerons sans nous occuper des divisions politiques, puisque la nature ne connaît pas de frontières, paraît avoir été autrefois couverte d’une série de lacs qui, rompant un jour leurs digues, versèrent leurs eaux dans l’Océan. Elle est traversée de l’est à l’ouest par plusieurs chaînes de montagnes parallèles à la côte qui coupent presque à angle droit les nombreux cours d’eau et donnent lieu à des cataractes d’un aspect grandiose, mais qui empêchent toute communication entre l’intérieur et la plaine, qui forme le long de la côte une bande de 40 milles de largeur. Les vents du nord et du nord-est, chargés des vapeurs de la mer des Antilles, y soufflent presque sans interruption et amènent des pluies abondantes partout où se produit le plus léger abaissement de température. Une barrière de montagnes, une simple forêt suffisent pour provoquer la condensation de ces vapeurs, pour enlever à ces vents toute l’humidité qu’ils tiennent en suspension et pour stériliser complètement les régions qui se trouvent au-delà. C’est sur la côte que se sont installés les Européens et qu’ils ont établi leurs cultures. Le sol, composé d’une couche d’alluvion et d’une argile blanchâtre, y est très fertile et peut fournir pendant de longues années, sans aucun engrais, des récoltes abondantes de sucre, de café, de riz et de coton. Le delta de l’Orénoque et les montagnes qui longent le rivage sont couverts d’une immense forêt. Au-delà de la première chaîne sont des savanes qui, faute de pluie, restent absolument stériles ; puis reparaissent de nouvelles montagnes et avec elles des forêts qui s’étendent au loin dans l’intérieur et vont rejoindre celles du Brésil. Ces forêts ont un aspect dont celles d’Europe ne peuvent donner une idée. La végétation, sans cesse en