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laisser s’accomplir ces invasions qui prennent ouvertement pour mot d’ordre la contre-révolution ; mais une politique sérieuse qui veut atteindre son but n’a pas besoin, pour sauvegarder l’indépendance de la société civile, d’exciter toutes les passions d’irréligion. Elle ne procède ni par les dxlamations irritantes, ni par la violence des actes ; elle sait choisir son terrain, son heure, ses moyens d’action. Elle reste ce qu’elle doit être, l’expression vivante, résolue et mesurée de la loi faite pour être respectée par tous. Une politique sérieuse cherche les résultats, non la popularité subalterne, et pour tous les esprits sincères qui n’ont que la préoccupation du bien public, ce qu’il y a de mieux à faire c’est d’aider un gouvernement honorable dans cette tâche aussi ingrate que laborieuse, c’est de le seconder au lieu de l’affaiblir par des sommations ou de lui créer des embarras par des agitations toujours dangereuses. C’est dans ces termes sans doute que la question restera posée lorsque les chambres se retrouveront à Versailles, et ce jour-là M. Gambetta lui-même sera peut-être le premier à sentir que pour donner cet exemple de stabilité dans la république dont il a parlé, il ne faut pas commencer par l’exemple de l’instabilité ministérielle. Que sortira-t-il définitivement de cette situation compliquée, singulière, créée en Allemagne par les derniers attentais dirigés contre l’empereur Guillaume ? Ce n’est pas certainement en un jour que s’éclairciront toutes ces questions obscures nées d’une manière presque imprévue au sein du succès et du plus vaste déploiement de puissance. L’Allemagne a eu beau conquérir la prépondérance par la victoire et faire sentir partout le poids de sa volonté, elle a beau avoir toujours une armée puissante, aguerrie, qui lui garantit sa sûreté, après avoir été l’instrument de ses ambitions et de ses conquêtes ; malgré tout ce qui peut flatter son orgueil, malgré la satisfaction d’avoir eu récemment un congrès européen délibérant à Berlin sous la présidence de son chancelier, l’Allemagne se sent travaillée par un mal profond, intime, et elle a le désagrément de ne pouvoir nous accuser, de voir la France à l’abri des agitations socialistes qui deviennent un péril pour elle.

Le point capital de la politique intérieure de l’Allemagne est évidemment aujourd’hui la recherche des moyens de réprimer les propagandes révolutionnaires, les menées démagogiques. Il s’agit de combattre les progrès du socialisme. Déjà, l’on s’en souvient, le parlement a été dissous pour avoir repoussé une loi que le gouvernement avait présentée ; c’est cette loi, avec quelques modifications, qui est revenue devant le parlement nouveau, qui a été rapidement discutée dans une première lecture et qui est aujourd’hui soumise au travail d’une commission. Or, sans qu’on puisse savoir encore le dernier mot de ce travail intérieur de la commission, il paraît que le projet du gouvernement serait remanié d’une manière assez sensible, que quelques-unes des dispositions répressives seraient modifiées. Qu’arriverait-il si la loi