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Le roi Guillaume mit une bonne grâce extrême à accueillir nos bons offices. Sa réponse, qui parvint à l’empereur dès le 6 juillet, ne contenait qu’une réserve : il entendait subordonner l’armistice aux conditions de la paix, et non pas, comme l’espérait le cabinet de Vienne, ne discuter les conditions de la paix qu’après la conclusion de l’armistice. Quant à ces conditions, il annonçait qu’il allait les faire connaître par un envoyé spécial, le prince de Reuss, qui serait chargé de les commenter par des explications verbales. C’était mettre l’Autriche à sa discrétion et rendre fort difficile la tâche qui nous incombait.

Le rôle du médiateur est de modérer les prétentions des parties, d’obtenir des sacrifices réciproques sous peine de voir son œuvre échouer ; il doit aussi, pour ne pas compromettre le succès de ses efforts, donner avant tout l’exemple du désintéressement en abdiquant toute revendication personnelle. Ce n’était pas le cas de l’empereur ; il n’avait pas la liberté d’esprit que demande ce rôle. Un souverain français ne pouvait envisager d’un œil impartial la transformation de l’Allemagne. Il lui aurait fallu une abnégation héroïque ou criminelle pour oublier son pays. Mais ce qui rendait sa tâche particulièrement délicate, c’étaient ses compromissions avec l’Italie. Le seul rôle qu’il aurait pu ambitionner était celui d’arbitre, appuyé par une armée capable d’imposer au besoin ses décisions. Il ne tarda pas à reconnaître tout ce que la médiation avait d’incompatible avec ses intérêts et sa dignité, et lorsque les négociations s’ouvrirent à Nikolsbourg, on eut soin de recommander à notre ambassadeur de n’intervenir qu’au simple titre d’intermédiaire, de ne participer à aucun acte et de ne se prêter à l’échange d’aucune note. Du reste, le parti de l’intervention ne se tenait pas encore pour battu. Le prince de Metternich ne restait pas inactif ; il rappelait le traité qu’on avait signé avec son gouvernement, et se fondant, sinon sur le texte de la convention, du moins sur la pensée qui l’avait inspirée, il réclamait la prompte exécution d’engagemens implicitement contractés[1]. M. de Beust et M. de Dalwigh suppliaient l’empereur de marcher résolument : toutes les ressources de l’Autriche n’étaient pas épuisées et les armées du sud étaient encore intactes. Il suffisait d’une centaine de mille hommes pour arrêter le cours désastreux des événemens.

M. Drouyn de Lhuys appuyait ces demandes avec une grande énergie, persuadé que notre seule présence sur le Rhin nous assurerait

  1. On prétend que la crainte de compromettre le succès de l’exposition universelle de 1867 fut le principal argument que l’empereur opposa aux instances, de M. de Beust ; il lui répugnait sans doute de révéler à un ministre étranger les causes secrètes qui le condamnaient à l’inaction.