Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ETUDE
SUR LA
POLITIQUE FRANÇAISE EN 1866

III.
LES PERPLEXITÉS DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS AU LENDEMAIN DE SADOWA.


VI. — LES EMBARRAS DE LA POLITIQUE IMPÉRIALE.

La dépêche annonçant la victoire de Kœniggrætz était parvenue à l’ambassade de Prusse à Paris le 3 juillet à onze heures du matin, elle ne fut connue à Saint-Cloud que vers les cinq heures du soir[1]. Personne n’était préparé à un aussi rapide anéantissement de l’Autriche, à une telle victoire de la Prusse. Cette nouvelle inattendue frappait d’une égale stupéfaction ceux qui s’étaient endormis dans une sécurité sans précédens et ceux qui n’avaient vu qu’avec crainte la guerre s’engager sans que nous eussions une armée d’observation sur nos frontières, capable de prévenir et de réprimer des actes compromettans pour nos intérêts. On ne se méprit pas sur la portée de l’événement. On sentait en quelque sorte instinctivement qu’un changement subit et profond s’était accompli dans notre situation, qu’on allait se trouver en face d’une Allemagne nouvelle, militairement et politiquement concentrée entre les mains d’une puissance ambitieuse et agressive.

Toutes les prévisions de la politique impériale étaient renversées ; on cherchait en vain à quoi se reprendre. On avait cru à la supériorité des armées autrichiennes, et en tout cas à une lutte marquée d’alternatives exigeant des deux parts de grands efforts, de grands

  1. La nouvelle ne fut confirmée par M. Benedetti que le lendemain, 4 juillet. — « Cent un coups de canon, télégraphiait-il, annoncent que l’armée a remporté une grande victoire. Les Autrichiens sont en pleine déroute, poursuivis par la cavalerie prussienne. »