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gravé : il est bien probable que c’est celui du maître du logis; mais ce sont surtout les inscriptions qui le font connaître d’une manière certaine. Quand les Pompéiens passaient devant la demeure d’un personnage qui leur agréait, ils aimaient à écrire quelque compliment ou quelque souhait pour lui sur les murs : « Terentius Eudoxus est un brave homme, dit l’un ; il soutient ses amis et les défend de toutes les façons. » Ou bien : « Que tout réussisse à Terentius Eudoxus, Terentio feliciter! » Un autre, plus galant et qui trouve sans doute la maîtresse de la maison à son gré, ne résiste pas au désir de lui adresser en passant un souvenir respectueux : « Gemellus à Cæsernina, femme de L. Mumisius, salut! « Il est assez vraisemblable que ce salut adressé à la femme était consigné sur une muraille qui appartenait au mari. Ailleurs une circonstance curieuse a permis à M. Fiorelli de trouver le nom du vrai propriétaire de ce qu’on appelait, on ne sait pourquoi, la maison de Pansa. Comme elle était fort étendue et trop vaste pour une seule famille, on en avait mis une partie en location. L’écriteau existe encore à sa place, sur la rue; on y lit ces mots : « A louer, dans la maison de Cn. Alleius Nigidius Maius, pour le premier des calendes de juillet, des boutiques avec leurs terrasses, des cabinets, etc. S’adresser à Primus, esclave de Cn. Alleius Nigidius Maius. » Cette belle habitation n’était donc pas de Pansa, mais de Nigidius. Voilà comment M. Fiorelli est parvenu à restituer à beaucoup de maisons de Pompéi leur nom véritable; le reste s’en passera. Il vaut mieux les désigner par des numéros que de les affubler de dénominations de fantaisie.

J’ai tenu à donner tous ces détails, qui peuvent sembler de peu d’importance, pour montrer quel esprit de rigueur et d’exactitude scientifiques M. Fiorelli apporte dans tous ses travaux. Quand cette œuvre de révision et de restauration qu’il avait si consciencieusement poursuivie fut terminée, et qu’il ne resta plus rien d’incomplet et d’inachevé dans les fouilles anciennes, il put enfin marcher en avant et entreprendre à son tour des fouilles nouvelles.

Eut-il raison de le faire? Ne valait-il pas mieux s’arrêter et transporter ailleurs, sur un terrain plus neuf et plus riche, cet effort vigoureux d’investigation? C’est ce que prétendait alors Beulé, dans des études pleines d’intérêt que les lecteurs de la Revue n’ont certainement pas oubliées[1]. Beulé était encore plus un artiste qu’un archéologue. Les trouvailles obscures, qui ne servent qu’à résoudre quelque problème historique et à rendre le passé plus vivant, lui faisaient bien moins de plaisir que la découverte de ces statues, de ces mosaïques, de ces belles frises qui charmaient son goût délicat.

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1870.