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cardo, l’autre de l’est au couchant qui s’appelait decumanus : c’étaient les deux rues principales sur lesquelles les autres venaient, plus tard s’embrancher. Comme il est certain que cette régularité qu’on remarque dans les quartiers de Pompéi qu’on a découverts se retrouvait dans les autres, on peut, avec la partie qu’on connaît, se faire une idée de celle qu’on ne connaît pas. C’est ainsi que M. Fiorelli a pu sans témérité imaginer une sorte de plan de la ville entière. D’après l’étendue du terrain et la direction des rues, il la divise en neuf quartiers, ou, comme disaient les Romains, en neuf régions. De ces neuf régions, trois sont entièrement déblayées, trois entièrement couvertes, et l’on ne connaît qu’une faible partie des trois autres. C’est donc de compte fait un peu plus de la moitié de Pompéi qui reste à déterrer.

Sur la carte si exacte et si complète que M. Fiorelli nous a donnée de la ville[1], on ne retrouvera plus les anciens noms sous lesquels les rues et les maisons étaient depuis longtemps connues. Je sais qu’ils avaient cet avantage de s’être gravés dans la mémoire des voyageurs et qu’on aura peut-être quelque peine à les en arracher. Cependant M. Fiorelli n’a pas eu tort de l’entreprendre, et il ne me semble pas qu’il y eût aucune raison sérieuse de les garder. Les plus innocens sont ceux qui rappellent en quelle occasion et devant quels augustes personnages les maisons ont eu l’honneur d’être découvertes (maison du grand-duc, des princes russes, de la princesse Marguerite, etc.) Tout le monde reconnaîtra sans peine que ces souvenirs ne sont pas de ceux qui méritent d’être éternellement conservés. On pourrait tenir davantage aux noms qui indiquent l’endroit où ont été trouvées des œuvres d’art remarquables (maison du faune, des danseuses, du cithariste, etc.), si ces œuvres d’art y étaient encore et n’avaient pas été transportées dans les musées. Il y en a enfin, c’est le plus grand nombre, qui ne sont que des erreurs manifestes : il est sûr que les maisons de Cicéron, de Pansa, de Salluste, de Diomède n’ont jamais appartenu aux personnages dont elles portent le nom. M. Fiorelli a donc bien fait de supprimer toutes ces désignations imaginaires. Mais comment essaie-t-il de les remplacer? Il cherche avec soin, dans les maisons qu’il fouille, si quelque circonstance ne pourrait pas lui révéler le propriétaire véritable. Il n’est pas toujours impossible de le découvrir. On y trouve assez souvent des anneaux, des bagues de prix, sur lesquels un nom propre est

  1. Cette carte se trouve à la fin de l’ouvrage intitulé Descrizione di Pompéi, qui contient l’étude de tous les monumens et une mention de toutes les maisons qui ont été jusqu’ici fouillées. C’est un livre indispensable à tous les archéologues qui veulent visiter Pompéi avec fruit. On trouvera à l’acheter à la porte même de la ville, à l’endroit où se distribuent les billets pour la visiter.