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bats comme aux fatigues. Seulement l’hiver approche, et la première campagne risque fort d’être interrompue par la mauvaise saison avant d’avoir atteint le but. Voilà où en sont les choses en Orient. Pendant ce temps, le parlement allemand sorti des dernières élections vient de s’ouvrir à Berlin. Tout s’est passé sans éclat ; il n’y avait ni le prince impérial ni le chancelier. M. de Bismarck se réserve sans doute de paraître le jour où il s’agira d’enlever la loi qui vient d’être présentée pour la répression des menées socialistes. À vrai dire, c’est sur ce point de politique intérieure que semble devoir se concentrer tout l’intérêt de cette session du nouveau parlement allemand.

Malgré la paix qu’on a réussi à maintenir au grand profit de l’Europe, il y a certes bien des difficultés et des malaises un peu partout, non-seulement dans les relations générales qui ont tant de peine à reprendre leur cours régulier, mais dans les affaires intérieures de tous les pays. Il y a des difficultés pour la Russie minée et menacée par les sectes au lendemain de la guerre qui a porté son drapeau devant Constantinople ; il y a des difficultés pour la puissante Allemagne que l’orgueil du succès ne préserve pas des crises intimes auxquelles on cherche aujourd’hui à porter remède. L’Italie a sa part d’embarras comme les autres nations. Elle n’est pas, il est vrai, sérieusement compromise ; elle n’a passes légions organisées de socialistes ou de nihilistes, et le danger n’est point sans doute dans cet autre phénomène bizarre qui vient de se produire, dans cette apparition de prophètes, de fondateurs de religions nouvelles, dont l’un, David Lazzaretti, a péri récemment dans une obscure échauffourée du côté de Grossetto, L’Italie, sous l’apparence du calme le plus complet, ne semble pas moins passer par une phase assez indéfmissable et peut-être critique. Elle n’a pas été satisfaite, cela est bien clair, du rôle qu’elle a joué dans le congrès de Berlin ; elle a considéré presque comme un mécompte de se retirer d’une grande négociation européenne sans avoir rien gagné. Pendant quelques jours, elle n’a pu retenir une certaine effervescence de discours ou de petites manifestations qui aurait pu compromettre ses rapports avec l’Autriche, si elle s’était prolongée, si Garibaldi lui-même, le vieux Neptune des agitations populaires, n’avait senti la nécessité de décourager ces vaines revendications du Trentin et de Trieste. D’un autre côté, à l’intérieur, l’Italie sent qu’elle aurait beaucoup à faire pour ses finances, pour tous ses intérêts, et elle manque visiblement d’une direction sérieuse, efficace. La dernière session parlementaire a été passablement laborieuse, la session nouvelle, qui s’ouvrira au début de l’hiver, sera peut-être plus laborieuse encore. Le ministère, présidé par M. Cairoli, aura sans doute de la peine à se soutenir au milieu de ces partis morcelés, confondus, qui s’agitent depuis quelque temps dans les chambres sans pouvoir arriver-