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l’abolition de tout ce qua fait la révolution française. Les socialistes, eux aussi, ont leur remède, qui est aussi simple ; ils ont leur manière de guérir le mal et même de le supprimer par l’abolition du catholicisme et de toutes les institutions traditionnelles.

Ainsi, il n’y aurait qu’à laisser faire les réformateurs, nous serions bien avancés. Les uns, les socialistes, veulent tout détruire pour aller en avant, pour accélérer le mouvement qui conduit à la seule et vraie république, la république démocratique et sociale ; les autres, les catholiques comme M. de Mun, veulent aussi tout détruire, pour revenir en arrière, et ils ne voient que ce moyen d’échapper à la fatalité des déchaînemens démagogiques. Catholiques et radicaux vont dans des directions opposées et ne s’entendent guère sans doute ; ils ne sont d’accord que sur un point, la haine de tout ce qui est modéré, du libéralisme qui les gêne, et les socialistes ne parleraient pas autrement que M. le comte de Mun lorsqu’il dit : « Le socialisme, c’est la révolution logique, et nous sommes la contre-révolution irréconciliable. Il n’y a rien de commun entre nous ; mais entre ces deux termes il n’y a plus de place pour le libéralisme. » Cette manière de poser la question, nous la connaissons depuis longtemps : c’est le langage de tous les irréconciliables, de tous les esprits chimériques. Il n’y a qu’une petite difficulté, c’est que ce libéralisme dont M. de Mun parle si lestement, pour lequel il ne voit plus de place entre les socialistes et les catholiques à outrance, est encore de force à se défendre contre les uns et les autres. Ce libéralisme, si étrangement évincé d’un mot frivole, c’est tout ce qui existe, c’est la réalité vivante, la société tout entière ; c’est la garantie et la sauvegarde de ceux-là mêmes qui se donnent le passe-temps de le combattre avec les armes qu’il leur assure. Le monde contemporain vit de lui et par lui. Tout le reste n’est qu’un tourbillon de fantaisies excentriques et d’agitations artificielles qui ne sont pas toujours inoffensives sans doute, qui pourraient devenir dangereuses si on ne les surveillait, mais qui ne répondent ni à la vérité des choses ni au mouvement général des opinions, des instincts publics et des intérêts.

Heureusement c’est ainsi, et pendant que les partis extrêmes, qui ne voient que conflits et catastrophes, en sont à donner leurs représentations, est-ce que la paix ne règne pas dans le pays ? Est-ce que, malgré les orages qu’on se plaît à prédire et qu’on appellerait quelquefois, si on le pouvait, la situation de la France ne reste pas en définitive simple et régulière ? S’il y a un phénomène caractéristique, c’est justement ce contraste entre des manifestations de partis et la situation réelle. La vérité des choses, non certes, elle n’est pas dans des agitations intéressées, dans des turbulences factices ou de vaines alarmes entretenues par calcul ; elle n’est ni dans le congrès socialiste de Paris,