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indigence. Hors de là, tout le monde devrait payer l’impôt, quel que soit le revenu, qu’il consiste en rentes, bénéfices industriels, traitemens ou salaires, peu importe. Pour le connaître, on s’en rapporterait à la déclaration contrôlée, comme en Angleterre, par des commissions spéciales; dans ces conditions, l’impôt atteindrait peut-être les trois quarts du revenu brut de la France, soit 15 milliards, au taux de 1 pour 100 et il donnerait 150 millions; on pourrait le réduire à 2/3 pour 100 si on n’avait besoin que de 100 millions, il ne serait alors écrasant pour personne, et la perception en deviendrait facile, sans trop de fraude. On n’aurait pas à se préoccuper non plus de la question de savoir s’il fait double emploi avec d’autres taxes déjà existantes, comme l’impôt foncier, l’impôt mobilier et celui de patente. Ces impôts pourraient rester; un seul devrait disparaître, celui qui frappe aujourd’hui le revenu des valeurs mobilières. Celui-là n’aurait plus de raison d’être après l’établissement d’une taxe générale. Autrement, le même revenu se trouverait imposé, non-seulement deux fois, sous des formes différentes, mais deux fois de la même manière.

Maintenant une autre question se pose : faut-il faire une distinction entre les revenus, taxer davantage ceux qui sont spontanés et fixes, comme les fermages et les rentes, et un peu moins ceux qui proviennent du travail, comme les bénéfices industriels, les traitemens et les salaires? On l’a beaucoup demandé, et la question a été fort débattue dans les pays où existe l’impôt du revenu. En Italie, on accorde la distinction, on impose pour leur intégralité les revenus fixes, au six huitièmes ceux qui proviennent du travail et de l’emploi des capitaux, et au cinq septièmes les revenus personnels, comme les traitemens et les salaires. En Angleterre, on ne l’accorde pas, et voici une des raisons pour le refus qui ont été données par les commissaires de l’inland revenue dans un de leurs rapports : « Quelque plausibles que soient, disent-ils, ces théories (celles qui demandent des distinctions), elles prêtent le flanc à des objections pratiques de la plus grande gravité; un impôt sur le revenu, pour pouvoir être maintenu, doit reposer sur des principes très simples et très intelligibles. Les complications et les raffinemens ne seraient pas seulement difficiles, nous pourrions même dire impossibles dans la pratique; mais nous pensons qu’ils cesseraient bientôt de satisfaire le public. En deux mots, après un surcroît d’expérience de treize années, nous ne voyons pas de raison de changer l’opinion exprimée dans notre dernier rapport : que le système présent est le seul dans lequel une taxe puisse atteindre la propriété en Angleterre en passant par le revenu. » La distinction qu’on demande ne serait même pas équitable. En effet, quand on impose les revenus