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nous fournirait les 3 milliards dont nous avons besoin sans bouleverser les conditions économiques de notre pays et sans le ruiner de fond en comble dans le plus bref délai.

Du reste le public, avec son bon sens ordinaire, en a bien le sentiment, car, à part les réclamations qui tiennent à la politique, il accepte assez volontiers les taxes de consommation. Si en Italie on se plaint de la taxe sur la mouture, c’est moins contre l’impôt en lui-même qu’on se récrie que contre la façon dont il est perçu, et qui est plus ou moins inquisitoriale. Il en est un peu de même chez nous de l’impôt des boissons. Ce que le peuple n’aime pas surtout, c’est l’inquisition, autrement il prend assez bien son parti des taxes qui frappent même les choses nécessaires à la vie, si elles sont modérées et se paient par fractions minimes. En veut-on une nouvelle preuve après tant d’autres? On a proposé il y a quelque temps en Prusse de remplacer l’impôt de l’abatage de la viande (c’est bien là une chose de première nécessité) par une augmentation de la taxe sur le tabac. La proposition a été très mal accueillie. Nous ne croyons pas nous tromper en disant qu’en France l’impôt des portes et fenêtres n’est pas aussi impopulaire qu’on le prétend; il représente, en dehors des grandes villes et pour les habitans des petites localités, une dépense par an d’environ 65 centimes par personne. Est-ce là vraiment un impôt excessif dont il y ait lieu de se plaindre? On a demandé qu’il fût réuni à celui qui existe sur les habitations. Nous ne partageons pas cette opinion. Il faut, autant que possible, diviser les taxes pour ne pas les faire trop sentir; si on réunissait l’impôt des portes et fenêtres à celui des habitations, on rendrait la taxe unique très lourde, tandis qu’en les divisant et les laissant l’une et l’autre à des taux assez légers, on est sûr que la répercussion s’en fait aisément et qu’elles retombent en définitive sur tout le monde.

Reste à examiner maintenant la taxe mobilière; celle-là, selon la croyance générale, est plus particulièrement destinée à atteindre le revenu. — On a prétendu qu’à l’origine elle avait été même établie sous la forme progressive. C’est une grave erreur qui s’explique ainsi : l’assemblée constituante, voulant se rendre compte de ce que pouvaient être les revenus mobiliers qu’il s’agissait de frapper, supposa qu’ils devaient être en rapport avec le loyer d’habitation et selon des proportions différentes; elle calcula qu’un loyer de 200 francs représentait le tiers du revenu, tandis qu’un loyer de 8,000 à 10,000 francs n’en était tout au plus que la huitième ou la dixième partie. En un mot, elle partit de cette idée, que plus on était riche et moins on mettait à son loyer, proportionnellement à sa fortune; c’est sur cette base que fut établi l’impôt