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taxe? C’est la même raison qui a fait augmenter aussi, il y a quelque temps, le droit de mutation et de transfert sur les valeurs mobilières, c’est celle qui sert enfin toutes les fois qu’on propose des accroissemens de taxe.

On fait une autre objection et on dit : Mais si vous dégrevez les uns et surchargez les autres suivant que le revenu des propriétés se sera beaucoup modifié depuis une certaine époque, vous risquez de donner une prime à la paresse; dans bien des cas, il est vrai, l’augmentation des produits du sol est dû en grande partie au concours de l’état et de la société en général ; mais les efforts intelligens du propriétaire, et l’emploi des capitaux y ont bien aussi contribué. Si vous établissez une surtaxe en raison de cette augmentation, vous faites une chose qui n’est ni juste, ni surtout favorable au progrès, dont vous risquez d’arrêter le développement. On peut répondre que ce qu’on demande est une faveur tout exceptionnelle. Beaucoup des progrès de la richesse, sous des formes diverses, sont dus aussi à l’initiative intelligente des particuliers et à l’emploi des capitaux. Accorde-t-on des immunités pour cela? On peut bien déclarer que momentanément tel immeuble nouvellement construit ou telle terre appropriée à une culture qu’on veut encourager seront exempts d’impôts. Cela ne constitue pas une règle. La règle est que l’augmentation de la richesse, quelle qu’en soit la cause, doit quelque chose à l’état, parce que l’état couvre tout de sa protection. Autant nous trouvons mauvais et empiriques les impôts qui ne reposent pas sur le progrès de la richesse, et qui n’ont de raison d’être que le caprice du législateur, comme ceux de mutation et certains droits d’enregistrement, autant ceux qui sont associés à ce progrès nous paraissent bons et légitimes. Le progrès, en définitive, est l’œuvre commune de la société, le résultat des efforts de tous. Nul ne peut dire exactement la part qu’il y a prise. Or, comme l’état représente tout le monde, il est juste qu’il profite de l’amélioration générale. Ce qui est injuste, ce qui blesse la morale, c’est qu’on soit quelquefois exposé à payer d’autant plus d’impôts qu’on est plus malheureux, comme dans les procédures en expropriation, où abondent les droits de timbre et d’enregistrement. L’impôt est bien alors en raison de la misère. Il en est autrement quand il est associé au progrès; alors il défie toutes critiques, et est conforme à la science.

Etant admis que l’impôt foncier ne doit pas rester immuable plus que les autres taxes, comment le mettre en rapport avec le développement du revenu? Ici surgissent de nouvelles difficultés. On ne peut y arriver, à notre avis, qu’après une évaluation nouvelle de la propriété, faite d’après des données certaines et précises;