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Nous ne disons pas que le contrôle du conseil d’état n’ait pas ses limites, que le conseil lui-même n’ait pas semblé craindre qu’en donnant à toutes les réclamations présentées contre les actes des agens de l’administration la forme d’un recours pour excès de pouvoirs on n’arrivât à lui constituer une compétence universelle au détriment de toutes les autres juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Nous comprenons même qu’on refuse d’ouvrir un double recours contre les mêmes actes, à la condition que les citoyens ne seront pas obligés de s’exposer à des poursuites devant les tribunaux de police pour faire tomber un acte administratif. Il y a là en effet des risques de diverses sortes à courir, et plutôt que de les affronter, beaucoup de gens supporteraient une mesure illégale. Il ne faut pas imposer au premier venu l’obligation d’avoir toute l’énergie qui a rendu Hampden si célèbre. Mais il reste encore, même en repoussant les réclamations auxquelles une autre autorité pourrait faire justice, un vaste champ d’action pour le conseil d’état.

Telles sont les doctrines que la loi du 24 mai 1872 a consacrées en attribuant expressément au conseil le droit de statuer souverainement sur les recours pour excès de pouvoirs contre les décisions des autorités administratives. Désormais toute cette jurisprudence, protectrice des droits des citoyens, est à l’abri de toute contestation. A côté de ce texte général, deux lois spéciales édictées à la même époque ont fait des applications spéciales du principe. La loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux a ouvert aux particuliers des recours sans frais contre les décisions des commissions départementales, sans préjudice du contrôle exercé par le gouvernement dans la forme administrative. La loi du 27 juillet 1872 sur le recrutement de l’armée autorise expressément, dans son article 30, les recours pour incompétence et excès de pouvoirs contre les décisions des conseils de révision. On reconnaît dans cette disposition la main d’un ancien membre, d’un ancien président du conseil d’état, M. de Chasseloup-Laubat, l’éminent rapporteur de la loi militaire; mais, en approuvant le législateur, nous avons le droit de rappeler que, depuis 1829, la jurisprudence avait eu la sagesse d’établir cette garantie indispensable.


III.

Est-il nécessaire de conclure? Nous n’avons jusqu’ici exposé que des faits ; nous aimons mieux laisser à d’autres le soin de se prononcer. Aussi bien le témoignage de l’opinion publique éclairée se