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en Irlande, on n’y fit pas attention de l’autre côté du canal Saint-George. Seul, à la chambre des communes, M. John Bright manifesta l’intention de s’en occuper. N’y avait-il pas cependant des députés irlandais à cette époque ? Elus dans une année de famine et d’insurrection, à une époque où le peuple avait d’autres soucis, ces députés ne représentaient presque tous que des influences locales ou des intérêts de famille. Ils ne formaient pas un parti, ils n’avaient pas un programme commun. En général, par haine de l’église établie que les tories défendaient toujours, ils votaient de préférence avec les libéraux, ils s’associaient à la fortune des whigs, et lorsque les whigs étaient au pouvoir, ils prétendaient en avoir eux aussi les bénéfices. Prendre en main une réforme que lord John Russell eût combattue était contraire à leur politique habituelle, bien plus à leurs intérêts.

Les événemens amenèrent presque aussitôt une nouvelle complication. On l’a vu, la ligue en faveur des tenanciers réunissait des hommes de toutes croyances religieuses. Ces nouveaux agitateurs continuaient, sous ce rapport, l’œuvre des partisans de la jeune Irlande. Or, sur ces entrefaites, le premier ministre présenta le bill contre le rétablissement des titres de l’église catholique en Angleterre. Les vieux cris de : à bas le papisme (no popery) retentirent comme aux siècles précédens d’un bout à l’autre de la Grande-Bretagne. C’était beaucoup de bruit pour peu de chose, et en particulier l’Irlande aurait dû dédaigner cette sotte querelle, puisque, dans ce pays, les prélats avaient toujours été désignés, d’un consentement unanime et jusque dans les actes officiels, par le nom du siège qu’ils occupaient. Qu’un prélat prît ostensiblement le titre d’archevêque de Westminster, l’indépendance britannique n’en était pas plus menacée que par les titres d’archevêque de Tuam ou de Dublin, auxquels on était habitué déjà. Ce bill fut voté par les deux chambres ; comme il fallait le prévoir, personne n’en tint compte. Cependant l’affaire avait suffi pour ébranler le ministère whig. Les tories n’ayant pas une majorité suffisante pour se maintenir au pouvoir, lord Derby annonça dès son entrée aux affaires que le parlement allait être dissous.

Ces élections de 1852 donnaient aux adhérens de la ligue en faveur des tenanciers l’occasion qu’ils attendaient de se créer un parti dans le parlement. Ils se présentaient pour soutenir la lutte avec d’autant plus d’avantage que les députés sortans étaient dans le désarroi. Les whigs, auxquels ils s’associaient d’habitude, avaient proposé et soutenu le bill des titres ecclésiastiques. Parmi les tories, qu’ils traitaient d’adversaires, quelques-uns des plus éminens, lord Aberdeen en tête, avaient voté contre. Cependant un parti catholique