Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et religieuses. O’Connell obtint en 1829 l’admission des catholiques aux fonctions publiques; c’était peut-être un médiocre avantage pour un peuple réduit à une si chétive existence. Deux ans plus tard, M. Stanley (depuis lord Derby), alors secrétaire général d’Irlande, fit adopter et mettre en vigueur un nouveau système d’éducation primaire, ce qui valait mieux. Ce n’est pas que les écoles manquassent; mais il était interdit aux catholiques d’enseigner et aux enfans catholiques de recevoir d’autres leçons que celles des maîtres protestans. Attachés à leur religion, les Irlandais ne voulaient point entendre parler de ces écoles, dont l’enseignement était dirigé dans un dessein de prosélytisme. Ceux qui avaient de l’aisance envoyaient leurs fils, par contrebande, en France ou ailleurs ; les pauvres préféraient ne leur rien faire apprendre. Aussi dans une paroisse rurale, s’il existait par hasard un paysan sachant lire et écrire, était-ce un personnage d’importance. Le dimanche, après la messe, il lisait le journal à haute voix pour le village assemblé; il écrivait les lettres de tous ses concitoyens. Le résultat de cet état de choses était au reste précisément l’opposé de ce que le gouvernement anglais prétendait obtenir. Le prêtre conservait une autorité absolue sur ces misérables paysans au milieu desquels il était le seul homme instruit vivant de leur vie, compatissant à leurs souffrances.

Peut-être n’est-il pas inutile de faire observer que les écoles organisées par les soins de M. Stanley devaient être strictement laïques, comme l’on dit aujourd’hui. La loi défendait d’y jamais mélanger le catéchisme à l’enseignement littéraire. Une certaine heure, fixée d’avance, était réservée à l’instruction religieuse; encore avant de commencer, le maître était-il contraint de renvoyer de son propre mouvement les enfans de croyance dissidente. Hors de là, rien sur les murs ni dans les livres ou dans les exercices ne devait apparaître qui eût rapport à la religion de la majorité. C’était la condition indispensable pour que l’école eût part aux subventions de l’état, à défaut desquelles elle ne pouvait subsister, car les grands propriétaires, presque tous protestans, indignés que la Bible fût proscrite, refusaient de payer les maîtres. Au contraire, les évêques catholiques, sauf peu d’exceptions, acceptèrent ce compromis comme une concession nécessaire. Au surplus, la rigueur de ces prescriptions ne tint pas longtemps ; peu à peu les maîtres en vinrent à suivre le régime qui convenait le mieux au milieu dans lequel ils vivaient. Dans l’Ulster, on lisait la Bible à toute heure du jour; dans le sud, où la population est tout entière catholique, on enseignait le catéchisme en pleine classe. Dans les grandes villes, l’école protestante et l’école catholique s’ouvraient en face l’une de