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et attendre l’issue des premières batailles. Du reste il lui répugne de s’annexer de nouvelles provinces allemandes et de se créer une Vénétie. Mais reste à savoir si cette répugnance sera invincible. »

Cette crise se dénoua en somme à l’avantage de la Prusse. Le prince Napoléon avait réussi à paralyser l’action de M. Drouyn de Lhuys, et son intervention avait puissamment servi au cabinet de Berlin pour obtenir du roi Victor-Emmanuel et de son gouvernement les déclarations les plus formelles au sujet de l’inébranlable exécution du traité du 8 avril. Rassuré sur la portée de la convention autrichienne, et certain que l’empereur n’aurait ni la volonté ni le pouvoir d’arrêter l’Italie, M. de Bismarck pouvait désormais, sans souci du cabinet des Tuileries, s’en remettre aux états-majors du roi pour l’exécution de ses desseins.

En présence de la guerre qui ne pouvait plus être détournée, l’empereur comprit que son gouvernement devait éclairer le pays sur les vues et la direction de sa politique. Le 13 juin le ministre d’état donnait lecture à la tribune d’un important document. L’empereur exposait, dans une lettre adressée à son ministre des affaires étrangères, les idées que son gouvernement s’était proposé d’apporter dans la conférence et la ligne de conduite qu’il entendait suivre. « Nous aurions désiré, disait la lettre, pour les états secondaires de la confédération, un rôle plus important; pour la Prusse, plus d’homogénéité et de force dans le nord ; pour l’Autriche, le maintien de sa grande position en Allemagne. Nous aurions voulu en outre que, moyennant une compensation équitable, l’Autriche pût céder la Vénétie à l’Italie. »

Se reportant vers l’avenir, l’empereur constatait que la France n’avait à se préoccuper que de deux intérêts: l’équilibre européen, et l’œuvre qu’elle avait édifiée en Italie; comptant que notre seule force morale suffirait pour sauvegarder ces intérêts, il ajoutait que nous étions assurés, par la déclaration des cours engagées dans le conflit, que, quelque fût le résultat de la guerre, aucune des questions qui nous toucheraient ne serait résolue sans notre assentiment. La France repoussait toute idée d’agrandissement territorial tant que l’équilibre européen ne serait pas rompu. Elle ne sortirait de sa neutralité attentive et ne songerait à l’extension de ses frontières que si la carte de l’Europe venait à être modifiée au profit exclusif d’une grande puissance. « On invoquait pour l’Italie, a dit spirituellement M. Klaczko, le droit nouveau, et pour la Prusse, qui se plaignait d’avoir un corps trop petit pour sa longue armure, et qui allongeait toujours son armure afin d’y ajuster sa taille, un droit plus ancien, celui qu’inventa Frédéric II, le droit de s’arrondir. »

Les déclarations de l’empereur subordonnaient les intérêts exclusifs de la France à des principes généreux sans doute et que