Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

influences dont ils disposaient pour contrecarrer l’action autrichienne, qui à ce moment paraissait prépondérante.

Les esprits n’étaient pas moins émus à Florence qu’à Berlin. Le roi Victor-Emmanuel, inquiet et froissé du silence où l’on se renfermait à son égard, se plaignait au prince Napoléon de voir les affaires de l’Italie traitées en dehors de lui sans qu’il en fût informé, et le prince se rendait aux Tuileries l’interprète véhément de ses doléances[1]. — « Le langage des personnes influentes de votre gouvernement, écrivait-il à l’empereur, n’est pas fait pour rassurer l’Italie, étant tout à fait favorable à l’Autriche. M. de Goltz m’en a parlé hier au soir. Le roi d’Italie, ne sachant rien, doit craindre que la France ne veuille lui faire abandonner l’alliance prussienne pour un mirage vénitien, garanti par rien ; votre silence sur la réponse de l’Autriche surtout l’inquiète. Je ne puis l’éclairer, ne sachant rien moi-même sur cette réponse. Je le lui ai écrit en transmettant textuellement la réponse confidentielle de votre majesté, qui ne contient pas un mot de ce qu’elle traite sur l’Italie à Vienne. Nigra écrit au général La Marmora qu’il est dans la même ignorance. Ces ténèbres ne peuvent qu’agiter le gouvernement italien et avoir de graves conséquences. »

La lettre du prince Napoléon est datée du 12 juin. Est-il besoin de le dire? l’empereur ne nourrissait pas les noirs desseins qu’on lui prêtait à Berlin et à Florence, et que lui reprochait le prince Napoléon. Il ne songeait nullement à se départir de sa neutralité et à poursuivre une alliance offensive et défensive dans la pensée de consommer la ruine de la Prusse. Il n’avait en vue que la délivrance de Venise, qui lui était garantie par le traité de Berlin et qui pouvait être compromise par les victoires autrichiennes. Le traité secret que le duc de Saxe-Cobourg était venu révéler à la cour de Prusse comme devant procurer à l’Autriche, aussitôt les hostilités ouvertes, en échange de toute la rive gauche du Rhin, le concours d’une armée française de 300,000 hommes, se réduisait en réalité à une simple convention de neutralité. L’Autriche s’engageait à respecter dans toutes les éventualités le statu quo ante bellum en Italie. Elle consentait à la rétrocession de la Vénétie à l’Italie, quels que dussent être les résultats de la guerre; elle s’engageait en outre à n’opérer aucun remaniement territorial en Allemagne sans l’assentiment de la France. Telles étaient les conditions que nous avions stipulées comme prix de notre neutralité, et qui, débattues et acceptées en temps utile, n’eussent pas manqué de changer le cours des événemens. C’étaient au demeurant les propositions du mois de mai, moins la clause qui faisait dépendre[2] la cession de la Vénétie de la conquête de la Silésie, et sans la participation de

  1. Papiers des Tuileries.
  2. Rapport de M. Nigra au prince de Carignan.