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Au commencement de 1866, la confusion qu’il rêvait ne laissait plus rien à désirer. La confédération germanique, de mœurs si paisibles, ressemblait à un champ clos où tous les intérêts étaient aux prises et toutes les passions en ébullition. Les séances de la diète se succédaient orageuses et irritantes, les notes et les protocoles s’entre-croisaient, les ministres des petits états conféraient. Ce fut pour l’activité et l’importance des cours de second et de troisième ordre un moment d’éclat qui ne devait pas avoir de lendemain. Ce furent aussi de beaux jours pour la diplomatie française. De quelles sollicitations n’était-elle pas l’objet ! Quelles confidences n’a-t-elle pas recueillies ! Si ses portefeuilles devaient s’ouvrir, on verrait quelles conversions le succès opère dans le langage et l’attitude des hommes. « Combien la postérité serait trompée, disait le cardinal de Bernis dans ses mémoires, si elle jugeait par la grandeur des événemens de la grandeur des hommes qui les ont préparés. »

Pour faire surgir l’occasion d’où dépendait le gain de la partie, il restait deux conditions à remplir : rompre avec l’Autriche et conclure avec l’Italie. La rupture étant la conséquence logique de l’alliance, tous les efforts de la politique prussienne se portèrent sur Florence pour vaincre les préventions que l’intermède de Gastein avait laissées dans l’esprit soupçonneux d’un ministre résolu à jouer serré, et à ne plus se payer de mots. Venir solliciter une alliance, affirmer la guerre et s’arranger avec le cabinet de Vienne, ce sont de ces procédés qu’on n’oublie pas aisément. Il importait donc à M. de Bismarck de dissiper les préventions qu’il avait inspirées, et d’administrer au cabinet de Florence les preuves les moins équivoques de ses intentions belliqueuses. Aussi le voit-on bientôt prendre des allures plus décidées, accentuer sa politique, serrer l’Autriche de près, encourager toutes les aspirations allemandes et entreprendre une véritable campagne contre l’organisation de la confédération germanique.

Ce serait une étude de stratégie diplomatique bien curieuse que de le suivre à la fois dans toutes ses manifestations à Vienne, à Florence et en Allemagne, de relever ses procédés, de le montrer aux prises avec les obstacles, soulevant des incidens, suscitant des défiances, exploitant les faiblesses, et faisant tout converger à la réalisation d’une pensée unique avec une persévérance et une audace qui n’ont jamais été surpassées. Mais ce serait trop élargir mon cadre; je ne saurais oublier le titre que j’ai donné à ce travail, il ne s’agit que d’une étude spécialement consacrée à la politique de mon pays.

« Avec un tempérament tel que celui de M. de Bismarck, écrivait M. Benedetti dans une lettre particulière du 11 février, il serait de