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constituante dans la loi des 16-24 août 1790 et dans plusieurs autres textes, la jurisprudence a établi une série de règles de compétence sur les cas controversés entre l’administration et les tribunaux de l’ordre judiciaire : notamment la théorie de l’interprétation des actes administratifs et les règles relatives à la responsabilité de l’état pour les préjudices causés par les actes de ses agens.

D’autre part, c’est avec deux principes généraux, fondés sur la nature même des contestations juridiques, que le conseil d’état a distingué les cas dans lesquels un recours pouvait lui être soumis et ceux dans lesquels il ne lui appartenait pas de contrôler les appréciations des agens de l’administration ou celles de l’autorité gouvernementale. Toutes les fois qu’il a été allégué qu’un droit fondé sur un texte de loi, de règlement ou d’un contrat était violé par un acte administratif, il a ouvert un recours, alors même que la loi ne l’avait pas expressément autorisé. Il a exigé en même temps, pour que le débat pût avoir une conclusion pratique, que l’acte contesté devant lui fût véritablement de nature à porter actuellement atteinte à un droit et ne fût pas une simple menace, une prétention, une autorisation sans efficacité immédiate.

Mais il a scrupuleusement respecté le terrain sur lequel le législateur avait voulu laisser à l’administration la liberté de se mouvoir, sous sa responsabilité, sous le contrôle des assemblées politiques, pour l’appréciation des mesures destinées à satisfaire les intérêts généraux ou locaux du pays. Assurément les citoyens subissent parfois un sacrifice pénible, par exemple dans le cas où l’ouverture d’une voie de communication leur enlève ou morcelle leurs propriétés, et l’indemnité préalable à laquelle ils ont droit peut ne pas les dédommager à leur gré. Néanmoins ils ne sont pas recevables, comme l’a reconnu avec raison la jurisprudence, à faire obstacle à l’exécution d’un travail déclaré d’utilité publique et à contester devant une juridiction l’utilité de ce travail et la convenance du tracé adopté. Le conseil a également refusé de connaître des réclamations dirigées contre les actes qui rentraient dans les pouvoirs réservés à l’autorité gouvernementale proprement dite, notamment les faits de guerre et les actes qui se rattachent aux négociations diplomatiques, aux rapports de la France avec les pays étrangers. La nature des pouvoirs exercés en pareil cas ne lui a pas paru comporter un débat juridique.

Voilà de quels élémens s’est formée la théorie du contentieux administratif.

La théorie des recours pour excès de pouvoirs est encore plus une création dans le sens propre du mot. Il ne s’agissait plus ici