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plutôt que par la loi. Lorsque le conseil d’état a été réorganisé au début de ce siècle, la constitution du 22 frimaire an VIII et l’arrêté consulaire du 5 nivôse suivant n’ont pas précisé d’une manière bien nette les attributions juridiques qui lui étaient conférées. La constitution de l’an VIII le chargeait de résoudre, sous la direction des consuls, les difficultés qui s’élèvent en matière administrative; l’arrêté consulaire porte qu’il prononce sur les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres. Les lois, ordonnances ou décrets postérieurs jusqu’à la loi du 24 mai 1872 ont toujours employé les mêmes mots très vagues de contentieux administratif.

Mais où se trouve la définition du contentieux administratif? A quels caractères le reconnaît-on? Bien des questions délicates s’élevaient à ce sujet. Il y a un assez grand nombre de cas dans lesquels le législateur, en confiant à l’administration le soin d’exécuter les mesures nécessaires pour l’accomplissement des services publics et le pouvoir d’imposer des sacrifices aux citoyens dans l’intérêt général, par exemple en la chargeant d’asseoir et de recouvrer les impôts, en la chargeant de faire exécuter des routes, des chemins de fer et autres travaux publics, a prévu les réclamations et a décidé qu’elles seraient portées devant une juridiction déterminée, soit de l’ordre administratif, soit même, exceptionnellement, de l’ordre judiciaire. Mais il y a beaucoup de cas où la loi est muette. Fallait-il, dans le silence de la loi, admettre au conseil d’état toutes les réclamations quelconques soulevées par des actes administratifs et que le législateur n’avait pas expressément renvoyées à un juge? Fallait-il au contraire interdire tout recours dans le cas où le législateur ne l’avait pas permis ? En un mot, comment devait-on délimiter le domaine de l’administration active et celui de la juridiction administrative?

D’autre part, pour les affaires qui n’étaient pas attribuées à une juridiction administrative déterminée, était-ce bien au ministre compétent ou au conseil d’état qu’il appartenait d’en connaître, n’était-ce pas plutôt aux tribunaux de l’ordre judiciaire, surtout lorsqu’il s’agissait d’appliquer les principes qui régissent les contrats et les quasi-contrats, les délits et les quasi-délits? Ici l’on avait à fixer les frontières des deux ordres de juridiction.

C’est là l’œuvre délicate et souvent laborieuse qu’a dû accomplir le conseil d’état en donnant la définition du contentieux administratif : nous n’avons pas ici à la développer; nous en indiquons en quelques mots les élémens.

Se fondant sur le principe général de la séparation de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire posé par la première assemblée