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le département d’Indre-et-Loire, à quelques lieues de Tours, un institut pénitentiaire, à la fois agricole et ouvrier, bien connu en France, bien plus connu à l’étranger où il a servi de type pour la création de vingt établissemens du même genre. C’est la colonie de Mettray.

La fondation en est due à l’initiative d’un grand homme de bien, qui eut des collaborateurs et un successeur, dont les efforts, énergiquement continués pendant une longue vie, ont porté la colonie au degré de prospérité où elle est. Sa visée, très haute et très ardue à réaliser, était de réunir et de soumettre à une éducation spéciale en commun, dont le programme était arrêté dans son esprit et dans son cœur, cette partie de la jeunesse française recueillie dans les centres les plus viciés, abandonnée et souvent corrompue par la famille elle-même, condamnée par les tribunaux, que le malheur de ses débuts dans la vie voue presque infailliblement à la carrière du crime.

Il y a là sept ou huit cents jeunes hommes, adultes, enfans et petits enfans. Ils sont organisés militairement, et quand on pénètre parmi eux, les suivant aux champs, à l’atelier, aux exercices gymnastiques, à l’école, à la chapelle, on est saisi d’étonnement, en même temps que convaincu et consolé. Convaincu de la profonde philosophie, de la sagesse, de l’efficacité des méthodes qui ont de tels résultats, consolé par la pensée que ces résultats satisfont à un intérêt social supérieur, et qu’à l’aide des mêmes méthodes ils peuvent être étendus à d’autres œuvres de salut public. On a sous les yeux le tableau du bon ordre, de l’activité dans le travail, de la soumission, des respects. Et ces effets ne se bornent pas, comme il arrive trop souvent, à des apparences faciles à produire pour l’illusion des visiteurs ; ils sont pratiquement constatés par ce fait assurément remarquable que la moyenne des récidivistes, parmi les anciens colons de Mettray, ne dépasse pas le vingtième (cinq pour cent) !

Et quelles sont ces méthodes qui triomphent des pires instincts, des passions brutales, de l’incorrigibilité, de l’inintelligence grossière? L’éducation basée sur le sentiment religieux, origine des respects, le travail gradué et varié, l’émulation dans le travail, les encouragemens moraux les mieux entendus, l’enseignement primaire le plus ingénieusement distribué qui soit, et où nos écoles régimentaires devraient aller chercher leurs modèles. Et dans cet ensemble, la théorie de l’effort primé est prédominante à ce point, que la répression consiste surtout dans la suppression des récompenses qui représentent la prime.

La colonie de Mettray est, je pense, l’exemple le plus considérable qui soit en France et en Europe de ce que sait et peut faire