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Les conservateurs militaires, pénétrés du même esprit, ne manqueront pas d’opposer les mêmes objections à l’ensemble des propositions que je fais. «Emanciper les différens dépositaires du commandement, par des pouvoirs plus étendus, avec des responsabilités proportionnelles! c’est une révolution. De ces responsabilités d’ailleurs, beaucoup d’officiers, les capitaines notamment, sont hors d’état de porter le poids. »

Je ne sais pas d’argumentation plus chétive que celle-là, ni plus dommageable aux grands intérêts qui sont ici en cause. Quand, pour réaliser un progrès nécessaire, il y a des risques à courir, il faut les aborder résolument; et, quand les instrumens manquent, il faut les faire patiemment. Pour les faire, il faut décider l’œuvre et la commencer en y appliquant les instrumens qu’on a. Ils se transforment, et on les transforme avec le temps. Connaît-on dans l’histoire des nations une seule réforme considérable dont les débuts n’aient été entravés par de graves difficultés qui, dépendant de la force des choses, étaient en outre grossies par l’insuffisance ou la tiédeur des uns et par l’hostilité des autres? Sans doute, pour que les réformes dont je cherche à prouver la valeur et l’urgence aient leur entier effet, il faudra qu’une nouvelle génération de dirigeans ait succédé à celle qui est à l’œuvre et qui se débat péniblement entre les habitudes ou les intérêts du passé et les besoins de l’avenir. Mais est-ce une raison pour y renoncer et pour se cantonner obstinément dans des habitudes vieillies qui sont en contradiction avec les progrès dont toutes les armées de l’Europe cherchent à s’appliquer le bénéfice, chacune selon son tempérament spécial et que, dès à présent, l’armée française s’est partiellement appropriés ?


II. — LES RESPECTS DANS l’ARMÉE.

De cette éducation en famille, par le capitaine, dans la compagnie, l’escadron ou la batterie, il faut que le but principal soit de faire pénétrer dans l’esprit et jusque dans la conscience de tous la notion, très obscure et très incertaine parmi nous, des respects. Ici, j’explique ma pensée par quelques courtes réflexions psychologiques qui ne paraîtront pas hors du sujet à ceux qui savent à quel point est difficile le problème de fonder et de diriger les aptitudes morales des foules.

Il y a deux sortes de respects entre lesquels il faut expressément distinguer. Ce sont, 1° les respects de principe et de sentiment, qui sont libres et appartiennent à tout le monde ; 2° les respects de règlement et d’obligation, qui sont forcés et appartiennent