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judicieuse distribution des responsabilités, pour que ses produits, qui sont les officiers des divers grades, pussent répondre à ce que le pays et l’armée attendent d’eux. Pour ne pas interrompre ma discussion, je supposerai dès à présent que les capitaines remplissent cette condition, qu’ils ont le savoir, la compétence, l’autorité morale nécessaires pour être, selon le programme que j’expose, directeurs, éducateurs, tuteurs. Pour l’accomplissement de leur mission, ces officiers auraient l’entière responsabilité de l’éducation, de l’instruction, de la discipline, de l’administration de leur troupe, avec un degré proportionnel d’initiative et de liberté dans le choix des moyens. Faisant à l’éducation la même part qu’aux autres parties du dressage professionnel, ils réuniraient autour d’eux chaque semaine, à des jours et heures déterminés (les officiers présens) leurs sous-officiers et leurs soldats et ils les catéchiseraient d’après les indications du livre des devoirs de la paix et des devoirs de la guerre, par demande et par réponse, envoyé par le ministre à tous les corps de l’armée[1]. Ce seraient des conférences militaires dont les matières, soumises à l’unité de doctrine, devraient être graduées selon les progrès de l’auditoire dans l’intelligence des questions traitées. Il conviendrait aussi de les diversifier, en les coupant par des lectures et par des récits militaires bien choisis, qui seraient à l’objet de chaque conférence ce que sont aux principes de morale par exemple, dans les écoles où on les apprend à la jeunesse, les récits du livre de la morale en action. Enfin cet enseignement au régiment serait, comme je l’ai dit, le complément précisé et développé des premières notions de savoir et de devoir militaires, dont j’ai demandé l’introduction dans les programmes de nos divers centres d’instruction publique.

Au sujet de la situation à faire aux capitaines de l’armée, — grande par son importance et par la considération qui s’y rattacherait, — je hasarde par exception une comparaison politique : quand on presse les conservateurs d’émanciper le pays par la décentralisation, par la concession à la province et à ses élémens constitutifs d’une part d’autonomie qui y rappellerait l’activité et la vie, ils répondent qu’indépendamment des périls que feraient naître ces mesures révolutionnaires, la province n’a ni les hommes publics, ni les traditions administratives qui seraient indispensables pour faire régulièrement et utilement fonctionner le système. Comme, d’autre part, les hommes et les traditions ne peuvent être formés que par ce fonctionnement, il y a cercle vicieux. Rien ne se fait, rien n’est possible; le pays reste, en s’agitant, dans ses lisières, et l’école des hommes publics, pépinière des hommes d’état, lui manque.

  1. Voyez la Revue du 1er février.