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sénat sous le premier empire, et l’on ne trouva pas, au début de la mise en mouvement du mécanisme des institutions constitutionnelles anglaises, un moyen terme entre l’intervention permanente et obligatoire du conseil d’état dans la préparation et l’interprétation des lois et la suppression complète de son rôle en matière législative. C’est plus tard seulement qu’on a compris l’influence utile que peut exercer dans les réformes législatives le concours d’un corps qui se préoccupe avant tout des doctrines juridiques ou administratives et des intérêts généraux du pays. Le gouvernement de la restauration consulta à peine le conseil sur quelques lois de peu d’importance et il lui fit expier la gloire d’avoir rédigé les grands codes en ne l’appelant pas à examiner le code forestier. D’autre part, les ministres, qui avaient désormais la responsabilité de leurs actes, n’admettaient pas volontiers que le conseil d’état dût être appelé, comme sous l’empire, à préparer tous les projets de règlement et la plupart des décisions en matière administrative, et les bureaux n’avaient pas de peine à leur persuader que le contrôle incessant du conseil gênait leur liberté d’action.

C’était surtout en matière contentieuse que l’intervention du conseil d’état était contestée. De 1817 à 1823, chaque année, lors de la discussion du budget, des membres de l’opposition prétendaient que l’autorité attribuée au conseil était contraire à la charte, qu’une ordonnance royale n’avait pu constituer un des organes de la justice, et soutenaient que, tant qu’une loi ne serait pas intervenue pour créer une justice régulière en matière administrative, il fallait laisser à la charge de la liste civile le traitement des membres du conseil d’état. Ces adversaires du conseil étaient M. de Villèle, le comte Roy, Dupont de l’Eure, Alexandre de Lameth, Manuel. La légalité de l’institution était, il est vrai, vivement défendue par les gardes des sceaux, notamment MM. Pasquier et de Serre, et par Cuvier, aussi éminent conseiller d’état que grand naturaliste. Et les chambres ne leur donnaient pas seulement gain de cause en maintenant au budget le crédit servant aux dépenses du conseil d’état; diverses lois consacraient ou étendaient ses attributions. Assoupie en 1823, la querelle se réveillait en 1828 à l’occasion d’une proposition de loi de M. Gaétan de La Rochefoucauld, auquel M. Dupin aîné et M. de Salverte apportaient leur concours. Les brochures, les articles de revue, les livres n’étaient pas moins nombreux que les discours. M. Bérenger, dans son étude sur la Justice criminelle en France, demandait le renvoi aux tribunaux civils de toutes les affaires comprises dans le contentieux administratif. M. Duvergier de Hauranne soutenait la même thèse dans son livre sur l’Ordre légal en France. C’est à cet ordre d’idées que s’était