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incidens sérieux ou plaisans. Les peintres belges n’auraient qu’à regarder autour d’eux pour découvrir des motifs dignes de tenter leur pinceau ; mais ils préfèrent regarder derrière eux, et c’est aux maîtres flamands ou hollandais du XVIIe siècle qu’ils vont demander leurs inspirations. Personne ne peut douter que M. Willems, qui possède des qualités d’exécution si remarquables, ne s’occupe beaucoup de Metsu, de Mieris, de Terburg, que M. Madou ne rêve souvent de Téniers ou de Van Ostade ; mais ces admirables peintres ont représenté les mœurs, les scènes, les costumes, les figures qu’ils avaient sous les yeux, les grandes dames et les bourgeoises, les cavaliers et les paysans, les tabagies, les corps de garde et les kermesses de leur temps. — « Quand je parlerais toutes les langues de la terre et même des anges, disait l’apôtre Paul, si je n’ai l’amour, je suis comme l’airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit. » Quand vous auriez la finesse de dessin et l’harmonie de clair-obscur de Metsu, l’extrême fini de Mieris, la touche légère et piquante de Téniers, et quand vous peindriez comme Terburg une robe de satin, il y aurait entre eux et vous cette différence considérable qu’ils ont passé leur vie à rendre ce qu’ils voyaient et que vous passez la vôtre à refaire ce qu’ils ont vu. Ils étaient naïfs, vous ne l’êtes pas. Ce qui manque le plus aux artistes belges dont nous parlons, c’est la naïveté, ils se souviennent trop. Pour se rendre digne de passer à la postérité, il faut commencer par être de son temps, et il n’y a d’œuvres immortelles que celles qui ont une date.

Les deux coryphées de la section belge sont sans contredit M. Wauters et M. Alfred Stevens. Outre son intéressant tableau de la Folie de Van der Goes, que nous avions admiré déjà au salon, M. Wauters a exposé deux toiles importantes dont le sujet est emprunté à la vie de Marie de Bourgogne. Dans l’une, cette princesse implore des échevins de Gand la grâce de ses conseillers Hugonet et Humbercourt. Dans l’autre, elle jure de respecter les privilèges communaux de la ville de Bruxelles ; debout sur une estrade, elle pose la main sur l’Évangile que lui présente un évêque assisté de deux enfans de chœur. M. Wauters s’est donné beaucoup de peine pour costumer comme il convenait la plupart de ses personnages ; Marie seule aurait le droit de se plaindre de lui, sa robe n’est qu’à moitié faite, c’est du satin qui n’en est pas. Ce détail malheureux ne tire pas à conséquence ; M. Wauters est un artiste sérieux et sincère qui respecte son art, et ses peintures d’histoire lui font grand honneur. La composition en est bien ordonnée, les attitudes ont de la dignité, les figures ont du caractère, la touche est large, ferme, accentuée. Ces peintures seraient des chefs-d’œuvre, si