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lieux, et mangent et boivent en commun. » Les citoyens apportent au roi de très beaux présens, des vêtemens ornés de diverses figures en broderies. Le roi exprime son remerciaient, comment ? en donnant la liberté aux serfs ! Comment encore ? par une amnistie. L’amnistie prononcée par Louis VIII n’exclut que ceux qui se sont armés * contre son père. L’appel à la bonté, à l’équité, prend encore une autre forme familière. Le mime qui joue de son instrument devant le roi l’exhorte dans son chant à la clémence, à la douceur, à la générosité. Dans le sacre non plus que dans ces fêtes, on ne voit percer l’idée d’une royauté qui se croirait tout permis. La formule du serment royal sous Philippe-Auguste renferme ces mots empreints de liberté et de légalité d’une façon remarquable : « J’octroierai, dit le roi, j’octroierai à ce peuple à nous confié le maintien des lois en ce qui lui est dû. »

La magnificence de ces solennités était plus grande que nous ne sommes tentés de l’imaginer au milieu de l’éblouissement de nos fêtes modernes. Nos aïeux n’étaient pas forts sur l’éclairage. Ce genre de féeries manque aux fêtes du passé sous les formes modernes, mais on illuminait les fenêtres à chaque étage, « tellement, dit un chroniqueur, qu’au milieu de la nuit on aurait pu se croire en plein jour. » Les amusemens et les décorations portent le caractère de l’époque. Les fêtes qui accompagnent le sacre de Philippe-Auguste eurent un éclat extraordinaire, et, pendant le banquet, le héros de Bouvines fut servi à genoux par le roi d’Angleterre son vassal. Au sacre et couronnement de la reine Marie de Brabant en 1275, à Paris, « les bourgeois firent fête grande et solennelle ; ils encourtinèrent la ville de riches draps de diverses couleurs. Les dames et pucelles s’éjouissaient en chantant diverses chansons. » Les comptes de Geoffroy de Fleury, argentier du roi Philippe le Long, donnent le détail des dépenses faites à l’occasion du sacre du roi, le 9 janvier 1317, en vêtemens, étoffes, tentures et tapis. Ces dépenses s’élèvent pour le roi à 2,378 livres 8 sols 6 deniers ; pour la reine et ses enfans, à 5,007 livres 13 sols 10 deniers. Ils mentionnent pour le roi trois chambres et pour la reine deux chambres tendues de neuf avec un grand luxe d’étoffes, de broderies, de tapis, coussins, courtines[1]. Le roi Jean II, le jour de son sacre (1350), arma chevaliers des princes et des gentilshommes qui ne devaient plus remettre dans le fourreau l’épée qu’ils prirent de sa main. La pompe fut superbe, la dépense prodigieuse ; chaque nouveau chevalier reçut aux frais du roi les habits de la cérémonie : fourrures

  1. Voyez les Comptes de l’argenterie des rois de France au XIVe siècle, publiés par L. Douët d’Arcq, 1864.