Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propre résignation, sa patience, son humilité ? Peut-être eût-il pu y reconnaître encore plus sûrement son ignorance. Cette bizarre cérémonie, et le cri du grotesque héros de la fête introduit dans l’église pendant la messe, ce cri imité à plusieurs reprises par l’assistance et par le prêtre lui-même, n’eussent été sans la naïveté de nos pères qu’une farce sacrilège. Bien que la fête des fous n’ait guère été moins générale, elle n’est pas moins dépourvue de tout ce qui donne à une célébration un caractère de solennité et de pompe. Elle paraît avoir été surtout scandaleuse. Il fallait que le clergé fût bien sûr des populations pour se prêter à cette célébration de la messe en présence de l’évêque des fous, placé sur le siège épiscopal, pour qu’il ne craignît pas de laisser voir à la foule, dans l’église même, des prêtres habillés en baladins, portant des vêtemens de femme, barbouillés de suie ou couverts de masques hideux et barbus, sautant, jouant aux dés, se livrant à des scènes licencieuses. On ne s’étonne pas qu’au XIIe siècle l’évêque de Paris, Maurice de Sully, ait défendu, sous peine d’excommunication, de célébrer cette grotesque cérémonie, et qu’un concile tenu à Paris en 1212 ait renouvelé la même défense, aussi peu d’ailleurs couronnée de succès.

C’est avec les grandeurs de la monarchie déjà centralisée vers le XIIIe siècle, et surtout au XIVe et au XVe, que commencent chez nous les fêtes ayant ce caractère public et national ainsi que cette magnificence qui ont laissé leur trace dans notre histoire. Un coup d’œil rétrospectif jeté sur ces solennités du passé ne sera pas inutile. Déjà nous avons entretenu les lecteurs de la Revue des tentatives faites par la révolution pour constituer un système moral et patriotique de fêtes nationales et des raisons qui les ont fait échouer[1]. Ces raisons n’ont rien perdu de leur force. Elles marquent l’écueil à éviter encore aujourd’hui. Les abstractions de la philosophie politique appliquées aux plaisirs publics ne servent qu’à les glacer ; la consécration qu’on prétend attribuer à certaines dates politiques ne fait que compromettre ces fêtes elles-mêmes en leur prêtant un caractère de défi qui passionne, divise, comme la plupart de celles qu’imagina la révolution. L’étude des fêtes de l’ancienne monarchie aura aussi ses enseignemens.


I

Les fêtes publiques, à partir du XIIIe siècle surtout, jusqu’aux approches de 1789, pourraient être résumées dans leur inspiration générale par cette formule bien simple et presque naïve : quand

  1. Revue du 1er juillet 1872.