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de gouvernement, le revenu est naturellement plus élevé, mais reste encore fort au-dessous de celui des villes de même ordre ou de même population en Occident. La même infériorité se rencontre jusque dans les plus grandes et les plus riches cités de l’empire, jusque dans les capitales. Sous l’ancienne loi municipale, il y a moins de dix ans, le budget de Vilna par exemple ne s’élevait qu’à 60,000 roubles, celui de Nijni-Novgorod à 150,000, celui de Kazan à 210,000, celui de Kief à 225,000, celui d’Odessa à 540,000, celui de Moscou à 2 millions, celui de Saint-Pétersbourg à 3 millions de roubles[1]. Tous ces chiffres se sont élevés, mais le revenu des villes s’est beaucoup moins accru que leurs dettes et leurs besoins. Les recettes de la capitale, qui vers 1865 ne montaient encore qu’à 2 millions 1/2 de roubles, dépassaient en 1876 4 millions 1/2[2]. C’est là un notable progrès et l’indice de l’augmentation de la richesse de la capitale ; mais que sont ces 4 ou 5 millions de roubles, comparés aux 220 millions de francs du budget municipal de Paris ? Saint-Pétersbourg, qui a près du tiers des habitans de Paris, n’a pas encore la treizième ou quatorzième partie des ressources de Paris. Encore aujourd’hui la capitale de la Russie n’a guère que le quart du revenu de Vienne ou le tiers de celui de Berlin. Aussi, malgré l’accroissement normal de ses recettes, Saint-Pétersbourg a-t-il beaucoup de peine à mettre son budget en équilibre. Jusqu’ici, la municipalité n’est arrivée à couvrir l’excédant de ses dépenses qu’à l’aide de fonds de réserve, aujourd’hui à peu près entièrement épuisés.

Comparée à celle de plusieurs autres grandes villes de l’empire, la situation de la capitale est cependant bonne. La plupart des chefs-lieux de gouvernement ont profité de leur récente liberté pour se livrer à des travaux d’embellissement, à des dépenses de luxe souvent mal entendues, qui les ont obérés sans accroître leurs

  1. En défalquant les ressources extraordinaires fournies par des réalisations de capitaux ou des ventes d’immeubles. Beaucoup de villes en effet possèdent, outre les revenus provenant des taxes, un revenu provenant de capitaux et de biens fonciers. Saratof par exemple possédait il y a quelques années 1 million de roubles en capital et 77,000 dessiatines (environ 80,000 hectares) de terre.
  2. Voici, d’après le Bulletin municipal publié par la douma de Saint-Pétersbourg, la moyenne des recettes quinquennales de la capitale depuis la guerre de Crimée :
    de 1851 à 1855 1,976,000 roubles
    de 1856 à 1960 2,293,000
    de 1861 à 1865 2,521,000
    de 1866 à 1870 3,093,000
    de 1871 à 1875 3,974,000


    Pour l’année 1876, le Bulletin municipal portait le total des recettes effectuées à plus de 5 millions, en excédant de près de 250,000 roubles sur les évaluations budgétaires. Cette plus-value n’était malheureusement qu’apparente, elle s’expliquait par l’inscription aux recettes de ressources extraordinaires applicables à la construction d’un pont.