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différens, de vêtement, de parapluie, ou de coiffure. Pour en faire des vêtemens, on emploie une espèce particulière connue sous le nom de shifu, que l’on découpe en bandes plus ou moins étroites, suivant la finesse du tissu qu’on veut obtenir. Ces bandes tordues à la main sont filées et mises en bobines ; après quoi elles sont tissées seules ou avec de la soie. On fabrique ainsi une étoffe solide et pouvant se laver. En regardant de près certaines pièces de soie brochée de Kioto, on s’apercevra que les broderies d’or faufilé qui en forment le dessin sont faites d’un fil de papier doré extrêmement ténu.

Le papier-cuir, dont on peut examiner les échantillons à l’exposition, s’obtient en réunissant ensemble plusieurs feuilles de papier ordinaire préalablement saturées d’huile végétale, que l’on presse ensemble de manière à les rendre absolument adhérentes. La feuille épaisse qui sort des presses est ensuite couverte de peintures et vernie. On s’en sert principalement pour faire des blagues à tabac. Les Anglais ont déjà commencé à l’utiliser pour la reliure. Enfin le papier huilé, abura-kami, joue un rôle important dans la vie indigène ; on en fait des parapluies, de grands manteaux waterproofs, des capotes imperméables pour les petites voitures à bras, et des bâches pour tous les colis qu’il est nécessaire de garantir de la pluie. Toutes les provinces du centre fournissent chacune son espèce particulière : Yédo, Kioto et Osaka sont les principaux centres manufacturiers. Une usine a été installée en 1867 près d’Yédo, dans le joli site d’Oji, pour fabriquer le papier, avec l’agencement, les matériaux et suivant les procédés usités en Europe. Ils est à craindre que la réputation des papeteries japonaises ne gagne rien-à cette innovation dispendieuse, qui aura du moins le mérite d’avoir introduit dans cette branche d’industrie le travail des femmes.

Il eût été intéressant de trouver, à côté des produits de l’île principale, ceux de Yéso réunis en un groupe à part. Cette grande île septentrionale de 35,789 milles carrés, à peine peuplée, et en grande partie inexplorée jusqu’en 1871, forme en effet une sorte d’annexé de l’empire japonais, dont elle se distingue par le climat, les cultures dont elle est susceptible, la race qui l’habite, celle des Aïnos ou « hommes velus, » qu’on suppose être les aborigènes du Japon. Elle contient du charbon, du soufre, de l’argent, d’excellent bois de construction. 30 millions de francs ont été dépensés pour la mettre en valeur ; la classification méthodique de ses productions eût à propos fermé la bouche aux gens qui prétendent que cet argent a été gaspillé en pure perte. On aurait pu notamment nous présenter le tableau animé des importantes pêcheries de saumon qui font vivre toute la population de l’île, et l’enrichiraient sans l’impôt écrasant de 30 pour 100 dont la pêche est frappée ; des