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commentaire inédit du traité de l’Ame d’Aristote par Pomponace, d’après un manuscrit de la bibliothèque Angelica, à Rome ; il y a joint une analyse et une étude de ce commentaire. M. Ferri, qui a fait paraître en français une intéressante Histoire de la philosophie en Italie au dix-neuvième siècle (Durand, 1869), fait partie à Rome d’un groupe d’hommes distingués qui soutiennent les doctrines spiritualistes ; à la tête de ce groupe se placent le comte Terenzio Mamiani et M. Domenico Berti, connu par ses derniers travaux sur Galilée. Leur activité philosophique a pour organes plusieurs chaires, des conférences spéciales et un recueil périodique fort accrédité. Ce sont des hommes qui ont été et sont encore mêlés à la politique nationale, qui ont pris part aux plus grandes affaires comme députés ou comme ministres et qui connaissent donc les plus hauts intérêts de leur pays. Le manuscrit que M. Ferri fait connaître a pour titre : Pomponacius in librus de anima. Il n’est pas autographe ; c’est probablement un cahier de cours rédigé par quelque auditeur, mais que Pomponace aura revu, car les citations y sont singulièrement exactes et sûres. Le maître y parle à la première personne, faisant allusion à sa chaire, à son rôle de professeur, à ses disciples. Le manuscrit paraît dater du milieu du XVIe siècle ou de quelques années après la mort de Pomponace, qui est de 1525 ; mais il résume sans doute les leçons par lui professées à Bologne en 1520, c’est-à-dire au moment de sa plus grande activité, quand il datait précisément de Bologne deux de ses livres. — Dans un temps épris du beau style, Pomponace emploie un rude et mauvais latin ; bien plus, il ignore jusqu’aux premiers élémens du grec. On ne peut pas dire qu’à son initiative soient dues ni l’indépendance de pensée qui anima la renaissance, ni même l’introduction des commentateurs grecs dans l’exégèse d’Aristote. Le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisias, par exemple, qu’il préférait, qu’il étudia plus que les autres, n’était pas inconnu de ses maîtres ; le texte même des ouvrages psychologiques d’Aristote avait été commenté dans l’université de Padoue par un Grec non étranger à l’élégance latine, Leonico Tomeo, son contemporain. Et cependant il passe pour un des plus savans, pour un des plus originaux et des plus hardis interprètes d’Aristote ; il a renouvelé l’aristotélisme au temps où cette ancienne doctrine allait être attaquée de toutes parts, et il n’a pas peu contribué ainsi à ce que cette lutte fût féconde ; il a pris de la sorte sa part de la direction du mouvement philosophique qui, pendant un siècle et demi, agita l’Italie et l’Europe pour ne s’éteindre qu’après avoir excité un Galilée, un Bacon, un Descartes, à la découverte de nouvelles méthodes, à la constitution de la science de la nature, à la meilleure ordonnance des forces intellectuelles. — C’est ce qui donne de l’intérêt à la publication de son œuvre, jusqu’à présent inédite.