Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représentans de l’autorité centrale, les assemblées territoriales voient se dresser devant elles une barrière plus haute, plus difficile encore à surmonter : c’est le budget, c’est le manque de ressources, le manque de fonds.

Il y a une fâcheuse disproportion entre les obligations imposées aux zemstvos et les ressources mises à leur disposition. Leur sphère d’action, qui embrasse tous les intérêts locaux, est beaucoup plus étendue que leurs moyens d’action. La loi attribue aux états provinciaux une part des contributions foncières, mais cette contribution provinciale (zemskiî sbor) est notoirement insuffisante. Un grand nombre des taxes locales, autrefois payées en nature, avaient été converties en impôts de l’état ; le trésor a continué à les percevoir après l’érection des nouvelles assemblées territoriales, il a même dépouillé ces dernières d’une partie des contributions abandonnées auparavant à l’administration locale. Dès leur naissance les zemstvos semblaient ainsi condamnés à végéter dans l’indigence et l’inaction. En entrant en fonctions, ils ne disposaient que de ressources dérisoires. Dans beaucoup de cas, les revenus qui leur étaient affectés couvraient à peine la moitié des charges qui leur étaient imposées. Dans nombre de provinces, en effet, les frais d’administration s’élevaient annuellement à 80,000 ou 100,000 roubles, et le revenu oscillait entre 40,000 et 50,000 roubles. C’est sous les tristes auspices du déficit qu’a dû débuter le nouveau self-government.

Pour affranchir les assemblées provinciales des embarras d’une telle pénurie, il eût fallu que l’état leur eût pu concéder une part de ses revenus, sauf à se décharger sur elles de certaines de ses obligations. Il y a, semble-t-il, plusieurs taxes dont la perception se ferait plus économiquement et plus moralement par les zemstvos que par le trésor ; il y a même plusieurs services dont les états provinciaux s’acquitteraient mieux et à moins de frais que l’administration centrale. La pratique des dernières années permet d’en citer des exemples qui paraissent des preuves. Quelques zemstvos, entre autres ceux de Novgorod et de Saratof, qui comptent l’un et l’autre parmi les plus actifs, ont obtenu de l’état le service des postes dans l’intérieur de la province ; ils ont en peu de temps réalisé sur ce chapitre de notables économies[1]. En leur donnant ainsi les moyens d’être utiles, l’état rendrait aux assemblées territoriales les sympathies de l’opinion.

Aujourd’hui la sphère d’action des zemstvos est trop étendue pour leurs ressources, ou plutôt leurs ressources sont trop bornées

  1. Voyez Golovatchef, Deciat lét reform, p. 192.