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concevoir ces pensées de haut vol, quand la lutte de chaque jour vous retient dans les bas-fonds ?

Au lieu d’agrandir ainsi la polémique, que font les pseudo-libéraux de la restauration ? Ils répondent aux fautes de l’ennemi par des fautes du même genre. L’ennemi, c’est l’esprit théocratique jetant le défi aux sociétés modernes. Cet ennemi, dans la personne de Lamennais, avait abandonné aux libéraux les grandes positions, les sommets inexpugnables, d’où l’esprit moderne peut défier toutes les théocraties du vieux monde ; quelle occasion unique pour les libéraux de s’emparer de ces hauteurs et de les garder à jamais ! Quelle occasion de rappeler à tous que le destructeur de la théocratie a été le christianisme, que le fondateur de toute liberté a été le christianisme, car toute liberté a pour principe la liberté de conscience, et la liberté de conscience, inconnue aux anciens, est véritablement la bonne nouvelle qui a sauvé le monde ! Au lieu de cela, ils se condamnent aux besognes inférieures. Ils font la guerre odieuse, honteuse, la guerre de fraude et de maraude. Ils vont à la chasse des petites choses, des petits faits, des petits délits, des petites misères. Les voilà inspecteurs de police, ils ramassent les vilenies, et, quand ils n’en trouvent pas, ils en forgent. C’est ce qui se produit cent fois pour une. En un mot, ils se sont attribué le département de la diffamation ; ils l’entretiennent régulièrement, quotidiennement, arrive qu’arrive et coûte que coûte ; perfide manœuvre, nuisible à tous, nuisible principalement à eux-mêmes. Certes, ils causent un grand dommage à ceux qu’ils poursuivent ainsi de leurs calomnies ; ils ne s’aperçoivent pas cependant qu’ils font bien plus tort à leur propre cause et qu’ils calomnient avant tout le libéralisme. Qu’est-ce qui fait, je vous prie, que les libéraux de la restauration, aussi bien que les ultras du même temps, ont conservé dans l’histoire une physionomie ridicule ? Qu’est-ce qui fait que les voltigeurs des deux partis, les uns fermés à toute idée libérale, les autres fermés à toute idée chrétienne, nous apparaissent comme des momies ? C’est l’entêtement où ils s’obstinent des deux côtés ; et, pour ne parler ici que des libéraux, la raison du discrédit moral dont ils ont frappé leur nom et leur cause, c’est cet acharnement inepte contre les principes supérieurs, ce voltairianisme de quinzième ordre, dont toutes les grandes idées ont disparu, dont il ne reste que les ordures et les platitudes. Il y avait un journal, le Constitutionnel, qui avait alors, entre tous les journaux voltairiens, la spécialité de ces attaques : « L’écrivain chargé de raconter, souvent même d’inventer ces anecdotes, nous dit M. Thureau-Dangin, était désigné dans l’intimité sous le nom de rédacteur des articles bêtes, et lorsque, le niveau des abonnemens