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homme de sa foi et de sa trempe, si le monde devait être sauvé. Mais le monde est condamné à mort. Qu’est-ce que cette société du XIXe siècle, pervertie par les uns, livrée par les autres ? « Un mauvais lieu, un coupe-gorge, un cadavre qu’il faut laisser pourrir, une perpétuelle apparition de l’enfer, une pauvre idiote qui s’en va à la Morgue en passant par la Salpêtrière. » Voilà les bénédictions de ce prêtre qui s’arrogeait le droit de parler au nom de l’église, et qui plus d’une fois en effet, dans la mêlée de la bataille, parut être l’interprète du clergé de France.

Ainsi, toutes les forces morales dont le parti conservateur avait le dépôt, raison, vigilance, patriotisme, esprit libéral, traditions religieuses, avaient été successivement altérées ou détruites. L’édifice de la restauration devait s’écrouler, puisque des mains qui auraient dû travailler à l’affermissement du sol s’étaient unies pour l’effondrer de nouveau.


III

On vient de voir ce que deviennent inévitablement les conservateurs sans le soutien et la sauvegarde des doctrines libérales ; il faudrait maintenant, en regard de cette image, montrer ce que deviennent les libéraux sans la protection des idées conservatrices. C’est le sujet que M. Thureau-Dangin a traité dans le second de ses ouvrages : le Parti libéral sous la restauration. Mais cette espèce de contre-épreuve ramènerait bien des épisodes qui ont déjà passé sous les yeux de nos lecteurs. Voici la première restauration et les cent jours. Voici les ministères de M. de Richelieu, de M. Decazes, de M. de Serre, de M. de Martignac ; seulement cette brillante, élite du vrai parti conservateur, au lieu d’être attaquée par la droite est attaquée par la gauche. N’importe ; le cadre général n’a pas changé. Placés à un point de vue différent, nous reverrions les mêmes scènes. Je n’y reviendrai pas. Je me bornerai à marquer le trait principal de cette histoire, celui qui se rapporte à la polémique antireligieuse du temps de la restauration. Que le principe de l’hérédité monarchique ait souffert de la lutte engagée si ardemment de 1815 à 1830, le fait est grave sans doute, mais enfin il n’y a là que des choses fortuites et d’intérêt secondaire ; que la cause de la religion en général en ait reçu de profondes atteintes, c’est un coup dangereux porté à toute société, particulièrement à la société libérale. Il y a d’autres formes politiques que la monarchie ; il n’y a pas d’autre principe de vie pour une nation qu’un ensemble de fermes croyances, foyer du cœur et de l’âme, pain des forts et lait des faibles. N’est-ce pas là ce qui fait depuis dix-huit siècles la vie du genre humain ? « Et où donc, s’écrie Michelet dans son Introduction à