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Écoutez les cria qu’ils profèrent : « Vive la république ! vive la convention ! » lisez leurs proclamations si bien mises en lumière par M. Thureau-Dangin : « Vous vous rappelez, disent-ils aux gens des faubourgs, que nous enlevâmes ensemble la Bastille et le repaire du tyran. Vous retrouverez en nous vos frères d’armes du 14 juillet et du 10 août. » Assurément, à entendre ces clameurs, on voit trop qu’ils subissent encore le joug de l’opinion courante. L’instinct qui les pousse n’en est que plus digne de remarque. Ils appellent les Tuileries de 92 « le repaire du tyran ; » mais ils sont résolus à en finir avec les jacobins. Leur devise pourrait être celle-ci : « Aucun retour en arrière, mais guerre aux hommes de sang, guerre aux destructeurs de la société. »

Dirons-nous que ce sont des républicains très convaincus ? Non, certes ; république, monarchie, ces questions de formes les laissent assez indifférens. « Leur reconnaissance, dit très bien M. Thureau-Dangin, est acquise au régime qui satisfera leurs sentimens de justice et d’indignation. » Si la république peut ou veut profiter de ce mouvement des esprits, tant mieux pour la république ! Si une monarchie libérale est la seule sauvegarde de la vie des citoyens et des principes de l’ordre, bonne chance à la monarchie libérale !

Cette dernière chance pourtant en 95 ne se présente guère à leur esprit. Bien des gens qui se rallieront un jour à la royauté sont franchement dévoués à ce grand essai d’une république généreuse. En veut-on un exemple bien significatif ? Michaud, le futur rédacteur de la Quotidienne, l’auteur futur du Printemps d’un proscrit, écrivait en 95 une poésie qui se termine par ces vers :

Oh ! si jamais des rois et de la tyrannie
Mon front républicain subit le joug impie,
La tombe me rendra mes droits, ma liberté.


Les seuls hommes qui à cette date aient songé sérieusement au retour de la monarchie, ce sont des montagnards, j’entends des montagnards thermidoriens, de ceux qui, ayant renversé Robespierre afin de continuer sa tyrannie, se virent mis de côté par le soulèvement de la conscience publique. Quant à la jeunesse dont nous parlons, si elle eût voulu tuer les institutions républicaines, elle aurait laissé les jacobins achever leur œuvre aux journées du 15 germinal et du 1er prairial. Que fit-elle en ces heures de crise ? On la vit, le fouet à la main, chasser de la convention la populace qui l’avait envahie ; et c’est au cri de : « Vive la république ! vive la convention nationale ! » que s’accomplit la première déroute du jacobinisme.

En regard de cet instinct qui poussait ainsi la partie la plus vive