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Est-ce sur les hommes, est-ce sur des circonstances qui furent plus fortes que toutes les volontés ? C’est ce qu’il convient d’indiquer, sous toutes, réserves et sans entrer dans le détail. Il est en pareille matière bien des choses qui devaient échapper au regard d’un passant, fût-il le plus attentif et le plus désireux de s’éclairer. D’ailleurs nous ne sommes point financier, nous n’avons pas la prétention d’y voir clair dans ces budgets de Florence où, dit-on, les commissions d’enquête, toutes composées qu’elles fussent d’hommes spéciaux, ont eu beaucoup de peine à s’orienter et à se reconnaître.


II

C’est le 26 avril 1865 que Florence a été déclarée capitale du royaume d’Italie. La noble ville avait son amour-propre, que justifiaient assez son incomparable histoire, son passé glorieux ; elle se sentit tout d’abord tenue à faire honneur au choix dont elle était l’objet, aux suggestions de la France, à la décision des chambres italiennes. Ces hôtes illustres qu’elle attendait, le roi, le parlement, les ministres, elle leur devait un accueil qui pût adoucir les regrets laissés par Turin et faire taire le bruit des réclamations que quelques autres grandes cités de la péninsule auraient pu être tentées de soulever. Florence avait été jusque-là, que l’on nous passe l’expression, une ville d’ancien régime. C’était le moyen âge qui l’avait construite : il y avait partout laissé son empreinte si profondément gravée que les siècles n’ont pu l’effacer. Églises, hôtel de ville, palais, tous les édifices y tenaient plus ou moins du château-fort ; le charmant génie de la renaissance y avait prodigué ses décorations les plus exquises sans réussir à en égayer la sévérité. Ces rues étroites que l’émeute était toujours prête à barrer, ces hautes murailles dont elle avait tant de fois battu de ses flots les puissantes assises, tout rappelait ici les troubles et les agitations de la plus orageuse des démocraties. Une fois celle-ci supprimée par l’accord des Médicis et de Charles-Quint, Florence n’avait pas eu grand effort à faire pour s’adapter comme capitale d’un petit état monarchique, aux conditions de sa nouvelle existence. La république florentine avait toujours aimé le grand ; la cour des ducs de Toscane et leur administration avaient donc pu tenir à l’aise dans les édifices que leur avaient légués les ambitieuses générations des siècles de liberté. On n’avait pas eu besoin d’élargir le cadre ; il avait suffi de renouveler l’ameublement des palais, de créer des musées, de donner à Florence un beau jardin public, les cascine, de couvrir d’aimables villas tous les coteaux voisins.

Florence avait donc fait un peu de toilette ; mais sous ses grands-ducs elle ne s’était point développée ni agrandie. Jusqu’à ces