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n’aboutisse un jour à quelque application pratique, qui ne conduise à quelque progrès matériel. En attendant, l’érudit ou le savant et les disciples qu’ils groupent autour d’eux ne demandent aux pouvoirs publics qu’une seule faveur, l’assurance d’être pourvus des moyens qui leur sont, nécessaires afin de poursuivre leurs travaux, la certitude de n’être point arrêtés à chaque pas par le manque de ressources. Comme la vertu, la sainte curiosité trouve sa récompense en elle-même ; elle la trouve dans les émotions de la recherche et les joies de la découverte.

C’est dans cet ordre d’idées que devait, quelques années plus tard, se placer chez nous le ministre de l’instruction publique qui fonda à Paris, en 1868, l’École pratique des hautes études. Moins d’un an après, M. Duruy quittait le ministère. Il n’a donc pu veiller lui-même sur l’enfance et sur les premiers pas de sa fille, qu’il avait vu accueillir, lors de sa naissance, par bien des préventions et bien des résistances ; mais si justes et si libérales étaient les pensées dont il s’était inspiré que son œuvre, en dépit de toutes les attaques, lui a survécu. Loin de l’emporter avec tant d’autres ruines, nos désastres en ont affermi les fondemens et assuré l’avenir. On a senti qu’elle avait un rôle à jouer, qu’elle pouvait utilement contribuer à remettre en honneur parmi nous le goût de l’exactitude et le sens critique ; aussi possède-t-elle aujourd’hui une riche dotation et une variété d’enseignemens que son fondateur, dans ses rêves même les plus ambitieux, n’avait peut-être jamais espéré lui donner.

Quoique plus âgé d’une dizaine d’années, l’institut florentin n’a pas eu des destinées aussi brillantes ; mais la faute en est bien moins aux hommes qu’aux circonstances. D’une part, en Italie, l’argent a manqué. La dépense de la nouvelle école aurait dû être supportée, tout au moins en grande partie, par l’état, surtout à partir du jour où Florence devint capitale ; mais, depuis qu’a été faite l’unité, la richesse nationale ne s’est pas développée dans les mêmes proportions que les impôts qui la frappent. Les taxes ont augmenté plus vite que la production, et le plus clair du revenu a d’ailleurs été absorbé par les dépenses militaires. L’armée, la flotte, les grands travaux publics ont réclamé trop de millions pour que l’Italie pût faire de grands sacrifices en vue de l’instruction publique. Encore ceux auxquels on s’est résolu ont-ils dû profiter plutôt à l’instruction primaire qu’à l’enseignement supérieur ; les écoles élémentaires n’existaient pour ainsi dire pas dans les provinces méridionales[1]. De plus, on ne saurait le nier, les chambres

  1. Voyez, dans la Revue du 15 août 1868, l’étude de M. Marc-Monnier intitulée l’Italie à l’œuvre de 1860 à 1868.