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accourent conduisant une nouvelle pompe. Ce renfort est reçu avec un cri de joie. Le caporal Barthélémy dit aux nouveaux venus : — C’est bien ! maintenant nous sommes en nombre pour nous rendre maîtres du feu ! — Si le massif du Palais-Royal, si le Théâtre-Français et tout ce qui l’avoisine n’ont pas été détruits par l’incendie pendant la matinée du 24 mai, on le doit aux secours opportuns, à l’escouade des trente ouvriers, à la compagnie du 12e bataillon que la Banque de France a dirigées sur le lieu du sinistre. Elle se protégeait de la sorte contre un danger éventuel, j’en conviens, mais ce danger était encore assez éloigné pour qu’il y ait eu quelque mérite à aller le chercher afin de lutter contre lui et de le vaincre.

Il fallait absolument empêcher le feu de glisser le long des combles du Palais-Royal et d’envahir les vastes bâtimens de la Comédie-Française ; le caporal Barthélémy, les sapeurs Polet et Fouquet, M. Lesaché, M. Torribio, maître machiniste du théâtre, réunirent tous leurs efforts, et parvinrent à pratiquer plusieurs coupures importantes qui devaient arrêter le cheminement des flammes. On avait de l’eau ; les pompes du théâtre, celles du palais, celles de la Banque, étaient amplement alimentées ; on n’était pas encore maître du feu, mais on avait du moins réussi à le concentrer et à protéger les approches de la rue de Richelieu. Il était un peu plus de huit heures du matin lorsque les premiers pantalons rouges apparurent. Ah ! quel cri : Vive la ligne ! Des soldats du 90e et du 91e arrivaient au pas de course, déployés en tirailleurs, par le jardin. M. Lesaché, qui les avait aperçus le premier, s’était élancé sur la galerie et agitait un drapeau d’ambulance ; il criait : Au feu ! au feu ! vive la France ! Les soldats se précipitèrent, et dès que leur présence fut connue, tous les gens du quartier, sortant des caves et des arrière-boutiques où ils s’étaient réfugiés, accoururent. On ne manquait plus de bras pour faire la chaîne, tout le monde s’y mit ; cette fois le feu, maté, fut forcé d’épargner une bonne partie du palais et n’eut à dévorer que le pavillon de Valois. La retraite, ordonnée par Boursier aussitôt que les préparatifs d’incendie furent terminés, avait été si rapide que les fédérés avaient abandonné dans le vestibule du palais plus de 150 fusils, leurs sacs, leurs gamelles ; les soldats s’en emparèrent, et comme la plupart de leurs fusils étaient vieux, ils les échangèrent contre les fusils neufs dont la fédération avait su armer ses troupes. Malgré les progrès très sensibles que l’on faisait contre le feu, le travail ne languissait pas, et pendant que tous les toits des Tuileries s’écroulaient dans les flammes, le Palais-Royal échappait à une destruction complète. Des escouades de soldats aidaient les pompiers, les habitans du quartier, les ouvriers de la Banque ; à midi l’incendie était dompté ; vers cinq