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pour les libertés publiques, il vient à la rentrée du roi et de Mazarin dans Paris les assurer de son dévoûment et de son obéissance. Louis XIV, déclaré majeur le 7 septembre 1651, lui fit durement expier la fronde, et la France, connue toujours, fut ramenée au despotisme par l’anarchie.

En 1653, le jeune roi était à la chasse à Vincennes, lorsqu’il apprit que son parlement, comme il disait, préparait des remontrances au sujet d’un édit sur les monnaies. Il partit aussitôt à fond de train, et, sans se faire annoncer, il entra brusquement dans la salle des séances, en bottes et le fouet à la main. — On sait les malheurs qu’ont produits vos assemblées, dit-il au premier président ; j’ordonne qu’on cesse celles qui sont commencées sur mes édits. Je vous défends de les souffrir ; et vous, ajouta-t-il en s’adressant au président des enquêtes, je vous défends de les demander. — C’était un arrêt formel de déchéance, et le ton sur lequel il avait été prononcé montrait qu’il était sans appel ; il fut confirmé par plusieurs édits. L’ordonnance civile de 1667 déclara que les actes royaux auraient force de loi du jour même de leur présentation, et le titre de cour souveraine fut changé en celui de cour supérieure.

Pendant cinquante ans, le parlement ne sortit de son silence que pour protester de sa soumission. Quelques voix indépendantes s’élevèrent encore çà et là, mais sans trouver d’écho dans Versailles. Louis XIV, débarrassé de tout contradicteur, fut tout-puissant pour le mal et le bien ; les flatteries des courtisans remplacèrent les remontrances des magistrats, et dans les jours attristés de la vieillesse, au milieu des désastres du déclin, le grand roi put reconnaître la vérité de ces paroles du chef le plus illustre de la fronde, le cardinal de Retz : « Il n’y a que Dieu qui puisse subsister par lui seul. » Il avait tenu la plus haute cour de justice du royaume sous la perpétuelle menace de son fouet de chasse. Elle s’en vengea sur son successeur, et nous verrons, dans la seconde partie de cette étude, comment elle a fait payer à la monarchie l’abaissement où l’avait réduite le prince que « l’adulation déifiait jusqu’au sein du christianisme. »

Charles Louandre