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année du règne de Henri II, et pendant trente ans les girondins essayèrent vainement de lutter contre la montagne ultra-catholique.

En 1559, un jour que les chambres réunies délibéraient à huis clos sur les affaires religieuses, Henri II entra inopinément dans la salle pour surprendre par lui-même les opinions de chacun, et, par une ruse indigne, il engagea les assistans à continuer la délibération et à émettre librement leur avis. Le conseiller Anne Du Bourg tomba dans le piège. Après avoir tracé un éloquent tableau des désordres qui déshonoraient la cour, il ajouta qu’il était honteux, en présence de pareils scandales, de persécuter des hommes qui servaient, comme le dit Voltaire, leur souverain selon les lois du pays et Dieu selon leur conscience. Henri II le fit arrêter séance tenante. En des jours moins agités, le parlement se serait fait un devoir de flétrir cet odieux guet-apens. Il se contenta de protester contre la décision royale qui livrait Du Bourg aux officialités, sous prétexte qu’il avait reçu la prêtrise, et le malheureux fut pendu en place de Grève, par arrêt des juges d’église, devenus les suppôts du saint-office.

À dater de cette exécution, la très grande majorité du parlement semble faire de l’intolérance une quatrième vertu théologale ; elle s’associe à tous les excès des persécuteurs, les encourage par son silence ou les provoque par ses exhortations. Aux édits de pacification promulgués à la demande de L’Hospital, elle oppose des arrêts qui ordonnent de courir sus aux réformés partout où ils se réuniraient pour célébrer leur culte. Les catholiques s’empressent d’obéir, ils se livrent en divers lieux à d’affreuses cruautés, et dans la Touraine le peuple étrangle plusieurs huguenots, arrache les yeux aux pasteurs et les brûle à petit feu. La retraite de L’Hospital laisse la carrière libre aux aveugles ardeurs du prosélytisme. Le parlement légalise à l’avance le massacre de la Saint-Barthélémy, en promettant d’abord 100,000 écus à celui qui lui livrerait Coligny vivant, et dans la même année la même somme à celui qui le tuerait. Le crime du 24 août consommé, il institue pour le glorifier une procession commémorative, et cette fois il est d’accord avec Rome, car, en recevant la nouvelle de regorgement, le pape Grégoire XIII, qui réservait sa pitié et ses indulgences pour les âmes du purgatoire, rendit au ciel des actions de grâces solennelles et publiques, et fit peindre un tableau représentant la mort de Coligny avec cette légende : Ponttfex-Colignii necem probat.

Pendant la ligue, nous trouvons encore dans le parlement une minorité calme et sensée, qui cherche à contenir le mouvement, et refuse de s’associer aux passions remuantes et basses d’un clergé corrompu, à qui Rome avait donné pour mot d’ordre de s’élever