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LES PARLEMENS SOUS L’ANCIEN RÉGIME.

rançon dont il avait payé sa liberté. Après s’être engagé par le serment du sacre à maintenir l’intégrité du royaume, pouvait-il en céder une partie à un prince étranger, et disposer de ses sujets sans leur consentement ? — Les notables répondirent que les engagemens du sacre primaient tous les autres. Le vaincu de Pavie, qui jusqu’alors n’avait jamais consulté les représentans de la nation et qui depuis ne les consulta jamais, s’autorisa de l’assemblée de Cognac pour garder la Bourgogne et les autres provinces et se fit absoudre par le pape, non pas de s’être parjuré en refusant à Charles-Quint les provinces qu’il avait promis de lui livrer, mais d’avoir violé le serment du sacre en donnant ce qu’il n’avait pas le droit de céder. Pour lui comme pour les autres Capétiens, le parlement et les états-généraux n’étaient qu’un instrument qu’ils utilisaient ou brisaient selon les besoins du moment. Ils leur ouvraient la bouche, c’était le mot consacré, quand ils avaient besoin de les faire parler, et leur imposaient silence quand ils trouvaient qu’ils parlaient trop.


III.

Dans l’affaire du concordat, le parlement s’était conduit avec autant de fermeté que de sagesse, et les sanglantes querelles de religion ne tardèrent pas à prouver combien il avait eu raison de combattre le traité qui enchaînait l’état à l’église. Au XVIe siècle, comme à toutes les époques, il a toujours compté parmi ses membres un certain nombre d’esprits supérieurs à qui l’expérience des affaires, l’étude de l’histoire et du droit, avaient appris que la seule politique rationnelle est celle qui se fonde sur la modération et cherche à satisfaire tous les intérêts et toutes les aspirations légitimes, sans se laisser entraîner par l’esprit de parti qui est la négation de l’esprit politique. C’étaient les girondins du temps ; ils voulaient maintenir le catholicisme sans l’imposer par la violence[1], et repoussaient, en matière de foi, la théorie des rigueurs salutaires qui aujourd’hui même trouve encore de si nombreux apologistes ; mais, par malheur, dans les troubles publics, il arrive toujours une heure fatale où la modération devient un crime, où le pouvoir passe aux mains des plus violens, quand il ne passe pas aux mains des plus pervers. Cette heure sonna pour le parlement dans la dernière

  1. Ce sont ceux-là qui ont fait entendre à Henri III ces belles paroles : « Le crime que vous voulez châtier est attaché aux consciences, lesquelles sont exemptes de la puissance du fer et du feu. Quand tout le parti des huguenots serait réduit à une seule personne, il n’y aurait un seul de nous qui osât conclure à la mort, si son procès ne lui était solennellement fait, et si elle n’était dûment convaincue de crime capital et énorme. »