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d’affaires et d’ordonnances, de l’autre par le gouvernement imprévoyant, batailleur et prodigue de François Ier, qui formait un si triste contraste avec le précédent règne, exagérait l’oppression et foulait aux pieds des libertés que Louis XI lui-même avait épargnées. Les premières luttes s’engagèrent à l’occasion du concordat de 1516.

Le parlement voyait avec raison dans ce pacte célèbre, mystérieusement conclu à l’insu du pays, le double triomphe de l’absolutisme pontifical et royal. Ses vieux instincts gallicans se réveillèrent. Il mit en jeu toute la science de ses légistes et dressa, en forme de remontrances, un traité complet de droit public sur les rapports de l’église et de l’état[1]. En recevant ces remontrances, François Ier s’écria : « Ces gens-là parlent comme s’ils n’étaient pas mes sujets, comme si je ne pouvais les condamner à perdre la tête. » C’était la première fois qu’un roi de France osait proférer de pareilles menaces ; mais le parlement n’en fut pas intimidé. La France entière, noblesse ou bourgeoisie, le clergé qui demandait que toute l’église gallicane fût convoquée, l’université qui en appelait au futur concile, étaient avec lui contre le pape et le roi. Fort de ces appuis, il résista deux ans et n’accorda l’enregistrement que contraint et forcé. De nouveaux conflits ne tardèrent pas à s’engager. François Ier lui fit défendre de « s’entremettre, de quelque façon que ce fût, de l’état ni d’autre chose que de la justice, et d’user par ci-après d’aucunes limitations, modifications ou restrictions sur les ordonnances et chartes. » C’était parler en maître absolu. Mais ce prince, qui suivait plus volontiers les conseils de ses maîtresses que ceux des premiers magistrats du royaume, était le premier à invoquer, lorsque les intérêts de sa politique l’exigeaient, l’autorité de ces mêmes magistrats qu’il traitait avec tant de hauteur. En 1523, il s’était engagé par lettres à ne jamais réclamer les terres du comté de Nice, tenues du duc de Savoie, ce qui ne l’empêcha point de les revendiquer plus tard ; le duc lui opposa les lettres signées de sa main, et François Ier lui répondit qu’elles étaient nulles et ne l’obligeaient pas, attendu qu’elles n’avaient point été enregistrées. Ce ne fut pas du reste la seule fois qu’il renia sa signature. Pendant la captivité de Madrid, il avait, on le sait, abandonné à Charles-Quint le duché de Bourgogne et quelques autres territoires importans. À peine sorti de la prison dont il s’était ouvert les portes par un démembrement, il convoqua dans la ville de Cognac une assemblée de notables pour protester contre la

  1. Traité des libertés de l’église gallicane, t. Ier, p. 149 et suiv. — Archives curieuses de l’histoire de France, t. III, p. 350.