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L’ENFANCE À PARIS.

toutes les tentations, à tous les périls de l’âge adulte, sans avoir la force pour y résister. La condition des apprentis à Paris, qui préoccupe depuis longtemps les législateurs et les personnes charitables, mériterait à elle seule une étude approfondie, et ce n’est pas en l’effleurant qu’on peut traiter une pareille question. Je me bornerai à indiquer les efforts récens qui ont été faits pour multiplier les moyens de venir en aide aux enfans des classes populaires pendant cette période difficile. De ces efforts, l’administration municipale n’a pas voulu se désintéresser. Elle a ouvert récemment, au no 60 du boulevard de la Villette, une école municipale d’apprentis. À vrai dire, il faut saluer dans cette institution plutôt l’idée nouvelle que la mise à exécution, car l’école de la Villette, établie d’abord dans de vieux bâtimens, aujourd’hui démolis, est en pleine voie de reconstruction. Les ateliers seuls sont déjà installés dans des conditions satisfaisantes, bien que la moyenne de l’enseignement professionnel ne m’ait pas paru aussi élevée qu’elle pourra peut-être le devenir un jour. Une des grandes difficultés contre lesquelles l’administration très intelligente de l’école se trouve en lutte, c’est le peu de bon vouloir des parens, qui devraient laisser leurs enfans pendant trois ans à cette école, et qui se hâtent de les retirer dès qu’ils ont acquis un commencement d’instruction professionnelle. Un tiers à peine des enfans va jusqu’au bout du cours complet d’enseignement, qui, outre l’apprentissage d’un métier (menuisier, tourneur, ajusteur, etc.), comprend quelques élémens d’enseignement secondaire. Cependant l’admission à l’école est gratuite, et les enfans qui retournent coucher chez eux tous les soirs ne sont tenus à d’autre obligation que celle d’apporter leur nourriture. Les élèves de cette école sont au nombre d’environ 80 ; elle pourrait en contenir davantage, mais ici ce sont les enfans qui font défaut à l’école, et non pas l’école aux enfans.

L’internat de Saint-Nicolas, dirigé par les frères des écoles chrétiennes, garde les enfans plus longtemps et les tient, ainsi que son nom l’indique, plus complètement sous la main ; aussi peut-on y pousser plus loin leur éducation professionnelle et les façonner à des métiers très lucratifs, tels que ceux de sculpteur sur bois, opticien, horloger, etc. Mais les conditions d’admission sont toutes différentes. Le prix de la pension, qui est de 30 francs par mois, sans compter 110 francs de frais d’entrée, ferme l’accès de cette institution aux enfans de parens véritablement indigens. Néanmoins l’internat de Saint-Nicolas regorge d’enfans ; il en contient plus de 900 dans la maison de Paris, sans parler des maisons annexes d’Issy et d’Igny, et tous les jours des admissions sont refusées. Cette institution, qui correspond en réalité pour la classe populaire à ce que sont les