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MYCÈNES ET SES TRÉSORS.


la roche vive et en partie formées de pierres rapportées, ont été successivement fouillées par M. Schliemann, toutes situées dans la moitié de l’agora qui confine au mur de soutènement de l’acropole. Elles ne contenaient pas moins de quinze squelettes, dont probablement deux ou trois de femmes et deux d’enfans, enfouis dans une sorte de terreau composé de cailloux et de cendres, et entourés des plus précieux trésors. Les corps étaient malheureusement dans un état de conservation si mauvais qu’ils se pulvérisaient à l’air en quelques instans. Le feu et l’humidité y avaient contribué, mais surtout l’humidité, car la crémation qu’on faisait subir aux cadavres dans la haute antiquité était trop incomplète pour s’attaquer plus loin qu’aux chairs. Les débris de cendre et les traces de la fumée montrent qu’à Mycènes l’opération avait lieu dans le tombeau même. On plaçait un bûcher dans le fond, et le corps était brûlé sur place ; les couches de cailloux qui l’entouraient avaient pour but de faciliter la combustion en permettant à l’air de circuler. Avec un pareil procédé, on ne saurait prétendre à réduire un cadavre en de véritables cendres, pouvant être enfermées dans une urne. Les expériences récemment faites en Allemagne et en Italie ont prouvé combien ardente et prolongée doit être l’action du feu pour arriver à ce résultat. À Mycènes, les corps étaient plutôt grillés que brûlés. — Il paraît qu’à la nouvelle de ces trouvailles un grand concours de curieux afflua à Mycènes de tous les villages voisins et de toute la Grèce : ils ne virent que quelques tibias et une belle mâchoire bien conservée sur laquelle nous reviendrons. Un artiste grec a pu en outre peindre un buste momifié, qui résista plus que les autres à l’action de l’air. Le reste, M. Schliemann seul l’a vu.

Ces ossemens d’ailleurs ne sont qu’un accessoire dans les découvertes de M. Schliemann. Le véritable intérêt des tombes mycéniennes n’est pas là : il est dans les objets précieux dont elles regorgeaient. Il était d’usage chez la plupart des anciens peuples d’enterrer avec les morts tout ce dont ils avaient l’habitude de se servir de leur vivant. C’est que la mort, dans les idées primitives de l’humanité, ne dégageait pas l’homme des besoins terrestres : le parent, l’ami, le maître qu’on avait perdu vivait encore dans le tombeau. On se plaisait à le parer de ses plus riches vêtemens, à laisser auprès de lui ses armes et les objets qui lui étaient d’un usage familier. C’est à ces idées qu’obéissait le Scythe qui immolait les chevaux de son maître sur son tombeau, l’Inca auteur de ces momies dont M. Wiener rapportait dernièrement des modèles, l’Égyptien qui dans les tombes de l’ancien empire révélées par M. Mariette plaçait à la disposition du défunt tout ce qui avait charmé sa vie terrestre et pouvait la lui rappeler encore. Il n’en