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nom ; mais les touristes amateurs de l’antiquité n’auraient pas voulu passer en Grèce sans y faire un pèlerinage. La voie de mer est celle que l’on suit habituellement pour aller d’Athènes en Argolide. On s’embarque au Pirée, où mouillent, parmi les tartanes et les sacolèves, quelques steamers de la compagnie hellénique de navigation. Celui qui ne connaît que l’Atlantique ou la Manche, aux horizons brumeux et ternes, aux rives pâles de sable ou de craie, ne peut se figurer tout le charme d’une traversée dans l’archipel. Le ciel est de ce bleu intense et profond que les hommes du nord n’ont jamais vu : la mer, sous le feu des rayons du soleil, revêt cette nuance d’un violet foncé qui la faisait si justement comparer par Homère à la couleur des vins épais de l’Orient. Le navire glisse doucement sur cette nappe à la fois brillante et sombre, que ride à peine un souffle tiède, et d’agiles dauphins bondissent à la poupe dans le long sillage argenté. Rien d’effrayant dans cette mer, où l’on ne perd pas de vue les rivages : on contourne des terres surmontées de monts aux silhouettes gracieuses, aux chaudes couleurs, où chaque vallon et chaque pic rappelle par un nom harmonieux les souvenirs de l’ancienne Grèce, légende, histoire ou poésie.

Les rayons obliques du soleil levant éclairent l’acropole d’Athènes quand nous quittons les bassins du Pirée, et l’Attique se déroule derrière nous, les sommets inondés de la lumière rose du matin, tandis que la plaine est encore dans l’ombre. Chacune des terres que nous côtoyons successivement a eu ses jours de grandeur et de gloire. C’est d’abord Égine, où se dresse la belle colonnade du temple de Minerve, qu’ornaient jadis les guerriers de pierre aujourd’hui à Munich, le plus ancien chef-d’œuvre du ciseau grec ; — c’est Calaurie, dont le sanctuaire dédié à Neptune attirait les dévots de la Grèce entière ; — c’est la côte de Trézénie, à laquelle les arbousiers aux baies rouges, les orangers, les oliviers, les pins donnent l’aspect enchanteur d’une oasis ; — c’est Ilydra, ignorée dans l’antiquité, mais dont les hardis marins avaient déjà conquis l’indépendance quand le reste de la Grèce courbait encore la tête sous le joug des pachas turcs ; — c’est enfin le golfe d’Argos, que les hautes montagnes de Laconie bornent vers le sud. Les deux rives semblent se rapprocher jusqu’au moment où le navire s’arrête devant une ville assez misérable, au pied d’un fort escarpé, le fort Palamède, qui rappelle un des vieux héros des légendes d’Argos. Nous sommes à Nauplie.

Entourée de montagnes partout où elle ne confine pas à la mer, la plaine d’Argos est un type accompli de ces territoires fermés du côté de la terre, mais ouverts aux communications maritimes, où presque tous les anciens états de la Grèce ont pris naissance. Assez