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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

et plus d’un des illuminés du socialisme en a cruellement souffert alors. Je puis le dire : Malon s’arracha les cheveux de désespoir : Vermorel, montrant ses compagnons, disait : « J’aime mieux être fusillé par les Versaillais que d’être condamné à vivre avec de pareilles crapules. » Jourde éclata en larmes lorsqu’on lui apprit l’incendie du ministère des finances ; Jules Vallès lutta avec une extrême énergie pour empêcher l’exécution des otages, il ne fut point écouté et disparut. Il était trop tard, la semence des doctrines erronées qu’ils avaient jetées à pleines mains à travers des cervelles peu dégrossies, mal équilibrées, produisait ses fruits naturels, et ils restèrent les spectateurs impuissans de crimes dont la responsabilité morale remonte jusqu’à eux. Dans notre pays, sans privilèges et sans préjugés, où sur dix patrons on compte actuellement sept anciens ouvriers, quiconque, à propos de réformes économiques et sociales, a prêché autre chose que le travail et l’épargne a menti, a développé les instincts mauvais chez ses auditeurs et les a disposés à tomber dans des violences de prétendues revendications qui se traduisent invariablement par le meurtre, le pillage et la destruction. C’est là une vérité que l’histoire explique à chaque page et que la commune a démontrée inutilement une fois de plus.

Cette vérité, la Banque a failli en faire l’expérience ; si l’attitude excellente de tout son personnel n’eût inspiré un respect salutaire aux fédérés, si la volonté formellement exprimée de Beslay, de Jourde, de tout le parti économiste n’eût refréné les velléités spoliatrices des jacobins, si les régens, le sous-gouverneur, les chefs de service n’étaient restés impassibles à leur poste, livrant toujours dans une monotonie énervante la même bataille pour le salut de la fortune publique, c’en était fait d’elle, elle disparaissait, et à sa place l’on n’aurait plus découvert que le gouffre d’une épouvantable banqueroute où trois milliards se seraient engloutis. À cette date du 23 mai où nous sommes parvenus, elle était financièrement libérée, car elle avait pour la dernière fois subi les réquisitions du comité de salut public ; mais avant d’être définitivement délivrée, avant de rentrer dans l’état normal où sa vitalité se manifeste avec une ampleur imposante, elle doit traverser encore divers incidens qui feront l’objet d’un prochain et dernier récit.


MAXIME DU CAMP.